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T6               LETTRES SUR LA SAUDAIGNE.

cavaliers intrépides faisaient cabrer à l'entour leurs chevaux
hennissants, et puis, comme au jour du départ, des danses,
de bruyants refrains, des cris, de longs éclats de rire,
partout enfin la joie la plus franche et la plus expansive.
la mer était sillonnée en tous sens par des barques pavoisées,
pleines de chants et de bruit, écho affaibli du tumulte du
rivage. C'était une fête patriotique et religieuse, fêle magni-
fique qu'éclairaient les layons ardents d'un soleil de midi.
    Non loin de Cagliari, s'élèvent aux bords de la mer les
murs d'une petite chapelle, qu'entretient et décore la dé-
votion des pêcheurs. Ce fut là que s'arrêta le saint patron
pour se reposer des fatigues de la route. On lui enleva son
costume de voyage ; on le revêtit d'une robe de salin blanc
et l'on jeta sur ses épaules un magnifique manteau de cou-
leur incarnadine, tout ruisselant de verroteries et de paillet-
 tes d'or ; pendant cette cérémonie, tour à tour prosternés à
ses pieds, pèlerins pieux et sardes fidèles faisaient fumer
l'encens et répandaient des pluies de fleurs odorantes. La
toilette terminée, le cortège se remit en roule. Alors, une
immense clameur s'éleva du rivage; les bravos, les vivat, les
cantiques pieux montèrent dans les airs ébranlés ; les barques
y répondirent par d'éclatantes fanfares et agitèrent leurs ban-
deroles déroulées ; les canons grondèrent à la fois dans le
 port et sur les remparts; cependant, saint Ephise debout
sur son char poursuivait sa marche triomphale et rentrait
dans les murs de Cagliari.
    Je passai une partie delà nuit à parcourir les rues illumi-
nées ; les confréries circulaient çael là, aux lueurs des torches,
 en psalmodiant les litanies, tandis que les buveurs faisaient
 retentir les cabarets encombrés : peu à peu le silence
se rétablit, et bientôt les chansons et les cris lointains, der-
niers retentissements de la fêle, se perdirent dans les airs
silencieux. Alors, resté seul, je me dirigeai vers mon gîte,