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LETTRIÃS SOK LA SARDAIGNE. 75 uns, pieds nus, se frappant la poitrine, les autres récitant le rosaire ou chantant en chÅ“ur les éloges improvisés du grand saint Ephise. Après avoir traversé la ville, la procession des- cendit aux bords de la mer et prit le chemin de Poula. La foule restée sur le rivage la suivit longtemps des yeux, jusqu'à ce qu'enfin, enveloppée dans les vapeurs du soir, qui com- mençaient à s'élever à l'horizon, elle disparût complètement aux regards des spectateurs. L'absence de saint Ephise ne dura que deux jours, qui furent consacrés aux visites des fidèles ; de petites flotilles de barques à voiles triangulaires ef la proue couronnée de fleurs, gracieuses et poétiques comme les blanches théories de l'antique Grèce, partaient gaiement au lever de l'aurore, et revenaient le soir aux clartés dernières du soleil couchant, ramenant dans le port les pieux pèlerins de Poula; Poula, charmant petit village de pêcheurs, véritable nid d'oiseaux marins, caché dans un bosquet d'orangers et de lauriers roses. Comme moi, cher ami, vous auriez voulu être du voyage; comme moi, vous seriez allé rendre vos hommages à saint Ephise, et comme moi il vous eût régalé d'un filet de che- vreuil ou de sanglier, et abreuvé d'excellente malvoisie, par l'intermédiaire de Valter-nos qui faisait ses honneurs d'une façon vraiment distinguée. Enfin, le troisième jour arriva, et le saint quitta sa retraite pour rentrer dans sa bonne ville, qui toute entière était allée à sa rencontre et l'attendait sur le rivage. Une po- pulation immense, barriolée et fourmillante, inondait les grandes plaines, qui bordent la mer. Ça et là , au dessus des flots humains, apparaissaient les lentes aux vives couleurs, abritant sous leur ombre les convives altérés, les grands char- riols à bÅ“ufs empanachés de rubans et de fleurs, carrosses •mprovisés, encombrés de femmes et d'enfants et s'ouvrant pé- niblement un passage à travers la multitude, tandis que des