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390 DE L'HOMME tant un grand crédit ; eux seuls dirigeaient l'éducation pu- blique, eux seuls rendaient la justice, et leurs arrêts n'étaient pas exécutés par d'autres que par eux : à la fois prêtres, juges et bourreaux, eux seuls étaient la vie aux malheu- reux qu'ils avaient condamnés à la perdre, et, dans ces exé- cutions terribles, qui se faisaient toujours au milieu des fo- rêts, leur pensée était bien moins de venger les hommes ou la société, que d'apaiser par un sanglant sacrifice la co- lère des Dieux. C'est pour cela que beaucoup ont cru, et que plusieurs croient encore que les Druides offraient à leurs di- vinités des victimes humaines, afin d'en obtenir un regard favorable ; les Romains eux-mêmes étaient dans cette per- suasion, et, ni César, ni les ordonnances d'Auguste, de Ti- bère, de Claude et de Néron même ne purent venir à bout de détruire l'existence des Druides et leur culte sanguinaire (1) : la gloire en était réservée au christianisme seul. A l'égard des serfs de la glèbe, qui ne doivent pas être confondus avec les esclaves proprement dits, leur condition, dans la Gaule fédérale, était la même que dans la province romaine. L'u- (i) « Du sang des victimes, que les Druides recevaient dans des coupes, ils arrosaient, dit Anquetil, les branches des arbres et en rougissaient le tronc : de sorte qu'on ne peut se figurer sans horreur ces ténébreux bocages, où l'on n'arrivait que par des sentiers tortueux. Là se voyaient des ossements amoncelés et des cadavres épars entre les arbres teints de sang. L'affreux silence de ces sanctuaires de barbarie n'était interrompu que par le croas- sement des corbeaux ou les gémissements des victimes. Le Druide, comme s'il eut été impassible, sans être distrait par les cris aigus de la douleur, contemplait tranquillement le malheureux qu'il venait de percer, le faisait expirer lentement, observant attentivement sa chute, ses mouvements, ses palpitations, avant courrières de la mort, et la manière dont le sang coulait, afin d'en tirer des conjectures pour prédire l'avenir. » Du temps de Charlemagne, il existait, dit-on, encore quelques Druides ; mais leur rôle se bornait à celui d'inspirés, de diseurs de bonne aventure, ga- gnant ainsi leur vie en parcourant les campagnes.