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ET PAUL-LOUIS COURIER. 283 Il faut le dire, même au risque d'être sévère, Courier est un de ces esprits fins, ingénieux et merveilleusement cultivés; éminemment doués de sens commun, mais plus justes que profonds, possédant au suprême degré les qualités nécessaires au genre satyrique. Myopes au moral, ces hommes perçoivent le détail et ne saisissent pas l'ensemble. Le côlé mauvais d'une action ou d'un événement, circonscrit à sa valeur pré- sente, sans tenir compte de son origine ou de sa fin, est ce qui les frappe tout d'abord; ils ne voient pas, avant, la gran- deur des desseins, ni après, la puissance des résultats, ou, s'ils le voient, ce n'est pas assez lumineusement pour qu'ils en soient uniquement préoccupés, et oublient ce que toute chose humaine a en soi de ridicule ou de douloureux. Ce n'est pas seulement en face de la grandeur, quelquefois odieuse, de Napoléon que le jugement de Courier a défailli. Il n'a guère compris les plus illustres de ses contemporains; ses affections sont rares, ses répugnances nombreuses : Il se moque de Lamennais avec une incroyable légèreté ; il pros- crit le galimathias de M. de Chateaubriand et de M. d'Ar- lincourt, associant ainsi deux noms qui n'ont de commun que le titre de vicomte. Pour les littératures étrangères, la grecque est à peu près la seule dont il fasse grand cas et dont il se serve : la pré- face à sa traduction d'Hérodote en fait foi, et ailleurs il raille, par quelques-uns de ces mots plaisants et superficiels dont a tant abusé Voltaire, les éludes sur la science indienne, devenues de nos jours la source de profondes découvertes philosophiques. Il a son savoir, ses idées, ses principes et il y demeure : ceux qui ne sont point avec lui, sont contre lui. Il n'éprouve pas cette vénération religieuse des âmes vraiment grandes, pour les travaux consciencieux du génie humain qui méritent l'examen avant la condamnation, car s'ils contien- nent une parcelle de vérité, il faut la séparer avec respect