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282                       BÉRANGER
           Mais il ne faut point qu'on ignore
           Qu'en chantant le cygne a fini :
           Toujours, Français, chantons encore,
           Autant de pris sur l'ennemi !
    Poursuivant, sans se démentir, celte carrière pendant plus
de vingt ans, Béranger a pu, avec raison, donner 5 ses œuvres
le nom modeste de Mémoires chantants.
    Courier le suit de près, et, en 1816, il publie la célèbre pé-
tition aux deux chambres, commençant par ces mots : Je suis
Tourangeau ; de ce jour, ils ont manifesté la même ardeur à
la défense de la justice, le même courage à dénoncer et pour-
suivre un pouvoir qui la bravait, la même haine pour ces cour-
tisans de toutes les puissances, nourris de la substance des
peuples. L'indignation cruelle de Courier éclate à chaque
instant contre eux, et Béranger lui-même, dont les écrits ne
semblent respirer qu'une malignité sans fiel, s'anime jusqu'à
leur lancer les traits amers du pamphlétaire.
    Un autre point de ressemblance entre Béranger et Cou-
rier, c'est le peu d'enthousiasme qu'ils se sont sentis l'un et
l'autre pour la gloire militaire de Napoléon ; mais hâtons-
nous d'ajouter que leurs antipathies furent différentes : Béran-
ger, amant passionné de la liberté, détesta dans Napoléon l'un
de ses mortels ennemis, et le créateur du despotisme militaire
en France, mais il rendit hommage à ce génie des combats :
il l'aurait même accepté volontiers pour souverain, sans trop
lui en vouloir de ses victoires, en lui donnant la politique de
Lise pour charte conslilutionnelle ; au lieu que Courier ne
comprit jamais cet homme qui, faisant de l'Europe un im-
mense champ de bataille, l'embrassait d'un seul coup-d'ceil
el y conduisait, de triomphe en triomphe, ses redoutables
légions. Ses Conversations chez la comtessetfAlbanyattestent
son mépris aveugle pour ces guerres mémorables où éclataient
une science et un génie qu'il ne sut pas admirer.