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82 COURS DE LITTÉRATURE ANCIENNE. latin et un homme honnête et ser.se, entre une société qui passe sa vie à apprendre la langue des morts et une société vivante. Du reste, contester la nécessité absolue d'une chose ce n'est pas contester sa nécessité pour quelques hommes et pour quelques époques et son utilité pour un plus grand nom- bre d'autres. Que l'Europe, au sortir du moyen-âge, ail bien fait de concentrer son activité sur la langue latine et sur la langue grecque, afin d'emprunter aux anciens quelques-uns des éléments sociaux qui lui manquaient, et d'exhausser sous quelques rapports sa chilisation au niveau de la leur, cela est incontestable ; mais aujourd'hui que notre civilisation à nous déborde la civilisation ancienne par tous les points, l'é- lude universelle du grec et du latin ne saurait avoir de but réel. Que l'historien qui cherche à faire revivre le passé, du- rant ses laborieuses veilles, à reconstruire pièce à pièce et ses mœurs et ses idées, et ses sentiments el ses lois, éprouve le besoin d'étudier la langue dont ce passé s'est servi el où toutes ces choses ont laissé leur empreinte, rien de mieux. Que le philologue, qui veut connaître les lois du langage et les rapports qui existent entre les divers idiomes des peuples, place au premier rang l'étude des langues primitives, cela se conçoit encore. Mais on ne conçoit pas qu'on veuille bon gré malgré latiniser et gréciser indistinctement tous les hom- mes d'une génération. Sans doute il serait bon que chacun apprit le latin et le grec, mais l'indien aussi, l'hébreu aussi, l'anglais aussi, l'allemand aussi, l'espagnol aussi ; il serait bon de tout apprendre, et la philosophie, et la physique, et les mathématiques, el la lilléraluie, mais comme on ne peut pas apprendre tout, entre plusieurs choses utiles, il faut choisir celles qui le sont le plus. Or, si le latin et le grec sont plus utiles à connaître que l'indien et l'hébreu, par exem- ple, parce que notre langue, notre lilléraluie, nos mœurs