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à chaque nouvelle œuvre. Et peut-être aiderons-nous à quelques unes de
ces exécutions de prompte justice que le bon sens lyonnais a fait plus
d'une fois des productions les plus en vogue à Paris. Les œuvres musicales
sont en possession d'occuper      trop exclusivement les critiques de théâtre.
De là souvent, sur le mérite des artistes, une discussion tout-à-fait oiseuse
à notre point de vue ; la valeur de telle note, dans le gosier de tel chanteur,
occupe souvent un feuilleton presqu'entier. Notre critique n'ira pas jusqu'à
ces minutieuses personnalités ; nous apprécierons, en général, la manière dont
les divers genres sont représentés sur nos deux théàlres, et nos observations
sur les artistes porteront sur l'ensemble de leur talent, comme aussi sur
l'ensemble des acles de l'Administration. Nous pouvons rendre à la Direction
cette justice que le personnel de l'opéra et du drame est assez convenable,
sans parler des talents hors ligue qu'elle s'attachera sans cloute à conserver.
Les difficultés de cette année expliquent comment nous n'avons pas eu de
nouveautés musicales, pendant la saison : on nous promet cependant la Nizza
de Grenade,      de Donizelli, qui a eu quelques succès sur d'autres scènes. Les
Célestins nous ont donné Le Maître d'école, spirituelle satire des inspections
d'université ; Mtrovée,     bouffonnerie assez amusante ; Magdeleine, drame sans
vice ni vertu, et Mathilde, qui arrangé comme il est pour la scène, devient la
meilleure critique du roman d'où il est tiré.

  Nous sommes heureux d'avoir un succès vraiment littéraire à              consta-
ter au     Grand-Théâtre : Molière à Chumbord,            joué mardi pour la pre-
mière fois,      est une   de ces rares    œuvres aussi    nobles de style que de
sentiment, et l'accueil qu'elle a reçu à Lyon atteste parmi nous des goûts
élevés. Avec un simple trait de la vie de Molière et de Louis X I V , sans
les complications d'intrigues     qui     coûtent si peu à nos vulgaires faiseurs,
M . Auguste Desportes est parvenu à exciter un intérêt toujours soutenu pendant
quatre actes, et avec des vers, cette divine langue, que tant d'oreilles re-
poussent cependant. C'est qu'il y a à la fois dans sa pièce des détails du plus
fin comique et une peinture de caractère admirablement étudiée. La royauté
du génie aux prises avec la morgue aristocratique, le ridicule et la sottise
s'aidant des préjugés pour se venger de l'écrivain qui les châtie, une ame
triste et tendre froissée dans ses plus douces affections, obligée de porter le
masque de la satire et de la gaîté bouffonne, un esprit libre contraint à
la courtisaneric, pour échapper aux outrages des courtisans, voilà ce que
M . Desportes avait à nous représenter, et tout cela avec la grande figure
de Molière : la tâche était difficile, il fallait prendre des couleurs à Molière,
pour     faire   peindre Molière par lui-même ; c'est-à-dire qu'il fallait avec
l'éclat du trait et la fermeté du style, la parfaite connaissance du cœur et