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la profondeur du sentiment ; toutes ces qualités se trouvent à divers degrés
dans l'œuvre de M . Desportes. Ses personnages sont vrais sans être chargés,
il y a dans sa manière une élégance native qui le garantit de l'exagération.
Nous avons particulièrement remarqué avec quelle délicatesse est traité le
tableau des souffrances     domestiques de Molière, son incurable amour pour
une femme qui ne cesse de le tromper ; cette femme elle-même, le poète
a su nous la montrer légère, coquette, mais sans être avilie. Ce que nous
louerons, par dessus tout, dans Molière ù ChamborJ,          et d'autant plus que
ce genre     d'éloge   est rarement   mérité   sur nos théâtres, c'est    le style ;
c'est là de la belle et bonne langue française, du meilleur aloi, et nous
en avons été vivement frappé.         Ce n'est pas cette langue fade, incolore,
flasque et plate, que les poètes de l'Empire et leur continuateurs ont prétendu
nous donner comme la langue du grand siècle, c'est un style qui a conservé la
pureté classique sans les affadissements des écrivains à la suite. C'est, du
reste, un symptôme que nous sommes heureux de signaler dans la littéra-
ture de ces dernières années : après les excès de la ferveur novatrice, nous
avons eu quelques œuvres d'un style vraiment renouvelé aux bonnes sources,
qui s'est empreint suffisamment de la couleur moderne en conservant le dessin
antique ; qui, à travers notre révolution littéraire, n'a rien oublié, et a beau-
coup appris. Les vers de M. Desportes sont une des meilleures preuves            de
celte formation d'un bon langage littéraire ; la facture en est ferme et souple
en même temps ; pour les comparer à ceux d'un écrivain à qui quelques
personnes attribuent le sceptre de la comédie en vers dans notre temps,
nous les déclarons nettement supérieurs à ceux de Casimir Delavigne ; l'éloge
est mince de notre part, mais il explique notre pensée quand nous parlons d'un
langage pur, élégant et noble, sans appartenir à ce que l'on a longtemps appelé
l'école classique.
  On doit des éloges à la Direction et aux artistes pour le soin avec lequel
ils ont monté cette pièce, quoi qu'on pût prévoir que, malgré sa haute valeur
littéraire, elle n'aurait pas le privilège d'attirer la foule, privilège réservé au
jourd'lmi à l'opéra. L'ouvrage a été généralement bien joué ; le rôle de Molière
exigeait peut-être un sentiment plus profond, plus concentré, et moins de
mouvement que n'en a mis M. D'EgruIly. M. Cossard a rendu Chapelle avec
esprit. En somme, des applaudissements plusieurs fois répétés ont constaté un
succès complet; et ce succès sera encore plus grand auprès des amis de la
bonne littérature et     des beaux vers qui     liront   l'œuvre de M.     Auguste
Desportes.
                                               VICTOR m 'f.Al'ItADK.