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320 Cependant, jamais enfant Savait eu l'âme plus belle ; aimant à l'excès, il recherchait ses frères. Ses frères le chassaient sans pitié de leurs jeux. Toujours prévenant, ses assiduités n'étaient, aux yeux de son père, que de fatigan- tes importunités. De bonne composition, il n'avait jamais froid, jamais il n'avait faim ; et, au dire de sa mère, la bouderie entrait pour beaucoup dans sa façon. L'enfer, à coup sûr, n'a pas de châtiments plus durs que ceux qu'éprouve habituellement un pauvre enfant que d'aveugles préférences ont rendu le rebut d'un ménage. Cette inégalité brutale dans les affections d'une mère est une source continuelle de persécutions et d'injustices, et il en arrive que cette persécution finit à la longue par exaspérer à tel point le caractère de la victime, qu'il se pervertit à cette école de malheur. Il est rare aussi que les personnes ^atteintes d'infirmités, que borgnes, bossus ou boiteux de naissance, objets constants de la moquerie des enfants du même âge, ne perdent pas aussi de leur bon naturel à cette rude épreuve. Le petit fileur ne laissa aucune de ses bonnes qualités à cette double persécution, seulement il prit un air grave et méditatif. Le sérieux chez l'homme fait n'est souvent que l'expression de la fatigue, ou d'une somnolence d'idées. Dans l'enfant la pensée est si mordante, si active, que la méditation semble alors prophétiser quelque chose. Notre petit Muet méditait en effet, il était recueilli, et son silence prophétisait, car deux choses l'occupaient. au soulagement des sourd-muets, ces infortunés furent constamment voués au mépris, à l'ignominie, à toutes sortes de mauvais traitements, à la mort comme étant la lèpre de la société. Les lois romaine?, qui n'élaient pas plus sages, ne leur permettaient pas de disposer de leurs biens.