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66 fréquemment en pareil cas, ses idées et celles de sa famille avaient subi une altération extraordinaire à mesure que sa fortune s'était augmentée. Lui et les siens affectaient d'imiter la mode, les goûts et les manières qui, d'ordinaire, sont le pro- pre des classes supérieures de la société; et ils manifestaient dans toutes les occasions une aversion prononcée, et qui leur paraissait bienséante, contre tout ce qui pouvait avoir quelque apparence de vulgaire ou de commun. En véritable parvenu, M. Malderton était plein d'ostentation, d'ignorance, de préjugés et d'entêtement. Cédant à la fois à l'influence d'une sensualité égoïste et à un vain désir d'étalage, il recevait très souvent; et comme sa table était somptueuse et bonne, les parasites ne lui manquaient pas. Cependant il ad- mettait avec une préférence marquée les personnes qui étaient, ou qu'il croyait être, d'un rang distingué ; et il dédaignait les autres qu'il appelait en masse des pique-assielte. Il s'était ap- pliqué à inspirer à ses deux fils des sentiments semblables aux siens ; il avait parfaitement réussi. Toute la famille était ani- mée de l'ambition de s'introduire, et de s'établir, dans une sphère sociale supérieure à celle dans laquelle jusqu'alors elle avait vécu. Il résultait de ce désir insensé des Malderton, et de leur ignorance complète de ce monde si étranger à leur petit cercle ordinaire, qu'il suffisait d'appartenir de quelque manière aux classes nobles ou titrées pour être facilement admis à la table du maître d'Oak-Lodge à Camberwell. L'apparition de M. Horatio Sparkins au bal avait excité à un vif degré la surprise et la curiosité de tous les habitués du cercle. On se demandait quel était ce jeune homme si mo- deste, si mélancolique. Il dansait trop bien pour appartenir à l'église; il ne faisait pas partie du barreau, puisqu'il n'en portait pas les titres distinctifs ; il parlait beaucoup, mais il parlait bien. Peut-être était-ce un étranger de distinction venu en Angleterre dans le dessein d'observer et de dépeindre ce pays ainsi que les usages et les mœurs de ses habitants, et fré- quentant les bals et les assemblées afin de connaître l'éti-