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dès qu'a éclaté l'affaire capitale, celle d'Orient, qui enveloppe et
absorbe toutes les autres, les voiles sont tombés; l'affreuse réalité
du droit public fondé par les invasions a reparu; les liens de 1815
ont été subitement rattachés ; la chaîne du Titan était là, il n'a été
besoin que de la resserrer. La France a été replongée dans cette so-
litude muette que la défaite a tracé autour d'elle. Comme si elle avait
perdu une seconde fois la bataille, elle s'est trouvée de nouveau au
lendemain de Waterloo. Que l'on analyse tant que l'on voudra la
situation présente, toujours on trouvera, d'un côté, la France traitée
comme la grande vaincue, de l'autre, l'Europe infatuée de ses souve-
nirs, et tranchant en victorieuse les affaires du monde.

    Voilà le mal : il est profond; c'est à vous de savoir si vous voulez
 le guérir, car, ici, la volonté est le premier remède. Je ne sais, au
 reste, si vous avez assez réfléchi sur ce que peut désormais être la
guerre pour ce pays, et îl est dangereux seulement d'en parler, si
vous ne voulez la bien faire. Premièrement, il ne faut compter que
sur nous-mêmes ; secondement, nous ne pouvons reculer d'un pas
sans périr. Songez , en effet, qu'après les doubles invasions, le jeu
commence à devenir sérieux pour nous. Admettez par la pensée, aux
conditions les plus modérées, la moindre lésion de territoire, dissi-
mulée sous le nom de capitulation, je dis que la France n'est plus
qu'un séjour de mort, semblable à la campagne de Rome et à tous
ces déserts fleuris qui tiennent la place d'un empire tombé. Mettez
donc la main sur le cœur : êtes-vous décidés sérieusement, irrévo-
cablement, à périr jusqu'au dernier plutôt qu'à endurer de nouveau
la défaite? Étes-vous d'humeur à faire de chacune de vos cités, s'il
le faut, une Saragosse française ? Le mot de capitulation sera-t-il
effacé de la langue aussi longtemps que le succès sera incertain de
ce côté? Sentez-vous la terre frémir sous vos pas, et dans vos poi-
trines Ja force nécessaire pour décupler celle du pays? Saurez-vous
supporter, non pas l'ardeur du combat, mais la privation de vos
biens et de vos jouissances accoutumées ? Surtout, les partis, les
factions nous feront-ils trêve un moment, et ce vieux mot de patrie,
que personne n'ose plus prononcer, parlera-t-il au cœur des hommes?
Dans ce cas, après avoir invoqué votre droit, acceptez la guerre.
Sauvez la France ! sauvez l'avenir ! sauvez tout ce qui périt !