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150 tit havresac de toile, il va, vient, se promène, et chante de tous ses poumons sur le sommet de sa montagne, d'où il découvre une vaste plaine ou la vallée. Pour passer le temps, il ramasse quelques fleurs sauvages ; il les effeuille et les jette ; ou bien il regarde voler les oiseaux au-dessus de sa tête. Impuissant pour troubler le tiercelet ou f aiglon qu'il voit planer avec calme et décrire de grands cercles dans l'espace, il se lasse bientôt de les suivre de l'œil et, comme pour se dédommager de sa faiblesse, il se meta harceler, en leur jetant des pierres, sans jamais les atteindre, la berge- ronnette ou le pinson qui voltigent sur les buissons ou près des sources. Cette enfance ignorante qui voit sans cesse ouvert sous ses yeux le livre immense de la création, trop sublime pour qu'il y puisse lire, le dispose à s'effrayer de tout ce qui semble surnaturel et à rester crédule. La prière que lui apprend sa pauvre mère, les sermons de son curé, qui n'a peut-être pas toujours lui-môme une bien nette idée du diable, ni beaucoup de courage contre les morts, se mélangent dans sa tête; et, tout susceptible qu'il soit de devenir le soldat le plus brave, si le sort le fait soldat un jour, il a peur dès que le soleil se couche. Avec la peur, les choses mystérieuses se propagent. Les fantômes prennent vite des formes. Aussi les classe-t-on sou- vent par familles. On leur assigne des lieux de rendez-vous. .Dans l'arrangement de quelques pierres, retrouvées un ma- tin là où elles n'étaient pas la veille, on reconnaît les traces de leurs assemblées. On croit entendre encore les sons de leur parole qui n'aime que la nuit, dans les soupirs de quel- que écho qui répond à une voix trop éloignée pour être en- tendue d'une oreille humaine. Je sais telle montagne au flanc de laquelle se trouve un puits creusé par des travail- leurs inconnus, dont l'ouverture est entourée de ronces et d'épines et dont on n'approche qu'avec crainte, comme si on