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328 n ' a - t - e l l e pas été formée des deux couches succes- sives qu'on observe chez presque tous les peuples anciens? N'a-t-elle pas commencé par être pélasgique avant d'être hellénique? Les Arcadiens, à la tête desquels Evandre reçoit Enée, aux lieux où Rome s'élèvera un jour, ne sont-ils pas eux-mêmes les descendants des Pélasges échappés à l'exter- mination de leur race, et retirés sur les hautes montagnes qui forment le centre du Péloponèse? Enfin, les Troyens ne tiennent-ils pas aussi à la souche pélasgique? N'est-ce pas pour cette raison que, lorsque Priam, au dire de Virgile lui- même, vint visiter à Salamine sa sœur Hésione, il voulut pousser jusqu'en Arcadie ? Nam memini Hesionœ visentem régna sororis Laomedontiaden Priamum, S'îiamina petentem, Protinus Arcadiœ gelidos invisere fines (1). Les guerriers qu'Hercule et Agamemnon conduisirent suc- cessivement contre les remparts de Troie, n'allaient-ils pas y exercer les dernières hostilités de la race hellénique contre celle des Pélasges? n'est-ce pas sur le chemin des migrations pélasgiques que Teucer bâtit sa ville ? n'est-ce pas du mi- lieu des pélasges italiques que Dardanus y ramena une colonie ? Si on admettait ces opinions, qui s'accommodent aux conjectures récentes de l'ethnographie, il faudrait recon- naître que c'est au milieu même des populations pélasgiques que se passe l'action de l'Enéide, et que Virgile a composé une œuvre dont la grandeur n'a point encore été suffisamment reconnue, en rassemblant ainsi, sur un même lieu, des points les plus opposés, tous les débris de la race sainte et primi- tive des Pélasges, pour en faire naître la nation romaine, et pour montrer dans celle-ci l'éclatante revanche de leur dé- faite et de leur oppression. (1) JEneis. Iib. VIII.