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213 ont ensanglanté le règne d'Elisabeth ; si les tribunaux ont dépassé ses intentions, c'est ce que je ne résoudrai pas, mais il faut reconnaître que des abus scandaleux furent commis, que beaucoup de sang innocent fut versé, que d'injustes con- fiscations furent infligées , que la liberté de conscience fut étrangement violée, et que l'intolérance fut, en Angleterre, comme elle l'avait été à Genève et partout ailleurs, le péché originel de la Réforme : et, cependant, bien des motifs pour- raient nous porter à excuser le gouvernement d'Elisabeth, si une infraction aussi flagrante des lois de la morale et de la politique était jamais excusable : d'abord les idées du temps. — C'est pour cette époque de haines enthousiastes qu'aurait dû être fait, le proverbe : qui n'est pas pour nous est contre nous. Protestants et catholiques se délestaient, se haïssaient, se persécutaient également; Calvin et l'Inquisition, la Saint- Barthélémy et Whitgift se répondent l'un à l'autre; Elisabeth fut intolérante, mais comme Philippe II fut intolérant, comme Charles IX fut intolérant; et, puisqu'il faut admettre comme principe en histoire qu'un homme ne doit être jugé que comparativement aux hommes avec lesquels il vivait et à l'époque où il vivait, il est juste, cemesemble, d'attribuer aux temps la plus grande partie du tort que nous reprochons à Elisabeth.—Ensuite, les circonstances dans lesquelles elle se trouva méritent aussi notre attention : on sait qu'Eli- sabeth était la fille de cette infortunée Anne de Boleyn dont les charmes avaient été cause du schisme de Henri YIH; on sait encore que les papes n'admirent jamais la légitimité d'Elisabeth, qu'ils la regardèrent constamment comme le fruit d'un mariage criminel, et, qu'à la mort de Marie, Paul IV ne voulut pas consentir à l'installation de sa sœur ; on sait qu'en 1570, Pie Y, qui se croyait encore au temps de Hil- debrand ou d'Innocent III, déclarait, dans une lettre au moins imprudente, qu'Elisabeth était déchue du trône d'Angleterre,