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201 se trouvait à Paris, il accompagnait une dame et traversait le boulevard des Italiens, lorsqu'un violent orage éclata ; cha- cun de se sauver à toutes jambes vers un abri, la dame se la- mentait sur les dégâts que la pluie allait causer à sa toilette, M. N».. seul recevait l'ondée, sans gémir et sans se presser, en disant : qu'ils courent, qu'ils courent ! si je le voulais, j'aurais une voiture, moi, plus belle encore que les plus belles que vous voyez passer. Véritable philosophie stéphanoise, gens qui ne voient dans les choses de bien-être ou de luxe qu'une sorte de difficulté vaincue, que des biens qui ne sont tels que parceque tous ne peuvent pas également les avoir, et qui, s'ils secouraient l'infortune ou la misère, ne loferaient ni avec désintéressement, ni avec amour, mais avec la grossièreté de l'enrichi dont, à défaut de la parole, toute la contenance et les regards disent au pauvre : j'ai de l'argent, toi tu n'en as pas. Il faut être juste cependant. Les Stèphanois ont peut-être assez de bon sens pour penser qu'avec leur argent s'ils achè- tent chez leur tailleur ou leur couturière une tournure pas- sable, il est pour le monde une distinction et une aisance dans les manières que l'habitude seule d'une société éclairée et choisie peut donner. Il ne serait pas impossible que leur sauvagerie et leur antipathie pour tous ceux qui ne sont pas nés parmi eux vint de là . Mais il faudrait qu'ils sentissent le prix de ce qui leur manque et de ce qu'ils pourraient ac- quérir en sortant de l'ornière. Puissent-ils bientôt comprendre aussi que, pour le bien public, il faut le plus de développement moral possible ; que ce qui donne à l'homme une valeur réelle, une puissance irrésistible pour bien faire et devenir sociable, c'est l'intelligence et l'étude. Plus l'on voit, plus l'on étu- die, plus l'on sent le besoin de communiquer ses pensées. Chaque homme dans la destination providentielle ne possède en quelque sorte rien pour lui seul et d'une manière abso-