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202 lue. Le plus riche ne légitime sa fortune qu'en faisant jouir ceux qui l'environnent, qu'en soutenant le pauvre par des se- cours qu'illui tend ou parle gain qu'il luifait faire.Etre riche pour s'enrichir encore, garder l'argent stérile pour se poser en extase devant sa fortune et se dire des biens de ce monde : je les aurai, si je les veux. Ce serait, en vérité, une sorte de crime, si ce n'était la satisfaction d'un esprit étroit et d'une ignorance à rougir de honte. Plus l'on est riche, plus l'on devrait savoir. La science est la plus belle propriété de l'hom- me. Il y a, dans l'année, un jour où Saint-Etienne est une ville bizarrement étrange; où son aspect a quelque chose de fan- tatisque dont il est fort difficile de se faire l'idée. Ce jour, c'est le Mardi-Gras. Le peuple est en fête. Il se nettoie ; je ne dirais pas qu'il soit propre, il fait ce qu'il peut pour l'être, et ce qui ne semasque pas pour courir, met son costu- me du dimanche. Dès le matin dans toutes les rues, de dis- tance en distance, on construit des fours en bloc de charbons, de cinq à six pieds d'élévation. On y met le feu. Puis lentement il s'anime et la fumée s'élève de tous côtés, quand l'air est calme, en colonnes rousses et droites ; quand le ventsouffle, c'est com- me une vapeur épaisse et chaude qui ne s'élève qu'à peu de hauteur au-dessus du sol. Dès que le jour baisse, l'effet prend un autre caractère. Par moment on dirait une illu- mination diabolique; quelquefois, ce sont toutes les lueurs d'un vaste incendie. Au milieu de la nuit les Carnavals sont dans leur éclat. Malgré la boue, malgré la fumée qui suffoque la foule se presse dans les rues, les masques forment des rondes et dansent autour des feux : rien n'est horible comme les cris de joie de ce peuple grossier. Les mouvements agi- tés de la danse contrastent avec l'immobilité du masque. Il semble que ce soit des têtes de marbre ou de cire, posées sur des corps tourmentés par convulsions, tantôt grotesques,