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199 propre. On monte quelques marches d'un escalier tournant très-étroit, très-enfumé, puis on arrive dans une enceinte éclairée à moitié par un lustre et des quinquets d'où l'huile s'exhale en mauvaise lumière et en épais parfum. Deux rangs de bancs recouverts de velours vert usé ; à chaque ex- trémité des deux rangs, une cage qui semble plutôt réservée pour des marionnettes que pour un sous-préfet et un maire ; en face de l'entrée, une toile badigeonnée en je ne sais plus quelle couleur; au bas, une sorte d'auge allongée, où s'épou- monne un joueur de flûte, où quelque méchant violon gémit une maigre ritournelle ; derrière cet orchestre , quelques planches sur lesquelles s'agite une masse noire qu'on pren- drait pour de la boue d'où sortirait une centaine de têtes qui crient : C'est la salle de spectacle d'une ville qui a plus d'un million de rente. La troupe est habituellement en harmonie parfaite avec l'ensemble de la salle ; les femmes n'y vont presque jamais et l'on peut bien le leur pardonner. Mais quand elles y vont, elles devraient être un peu moins soi- gneuses de leur toilette. J'en ai vues qui, avant de s'asseoir, avaient le soin de relever leur robe ; il est vrai que c'était un dimanche. Au lieu de se réunir et de chercher à entraîner la masse par l'exemple, tout ce qui par hasard étudie, s'occupe d'art ou de science, vit dans la retraite et se cache. A Rive-de- Gier même, mille fois plus boueuse et plus noire que Saint- Etienne, dont la vue seule semble devoir faire fuir tous ceux que la soif de l'or ne dévore pas ; il s'est formé une réunion musicale, une société philarmonique, quelquefois elle admet le public à ses séances. Elles font donner le goût d'un art qui, indépendamment des instants de délassement et de plai- sir qu'il procure, adoucit etpoliceincontestablementlesmœurs. A Saint-Etienne, un propriétaire loue sa maison avec la con- dition imposée au locataire, s'il a le malheur d'aimer la mu-