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113 du sujet. DeLoy était admis à l'intime société des deux prisonniers Ouvrard et Swan qui avaient su l'apprécier. Tout autre que lui se serait accommodé de cette captivité de millionnaire, au moins pour quelque temps, et, à l'exemple de Swan et d'Ouvrard, on pouvait lasser un créancier. Mais, à Sainte-Pélagie, comme au collège, comme plus tard dans son intérieur, comme ensuite dans sa province et à la fin dans Paris, et dans nos 86 dépar- tements, DeLoy étouffait. Il étouffait, faute d'air, d'ho- rizon, de cette immensité qui semblait lui devenir plus que jamais nécessaire, pour tout voir, tout embrasser, pour obéir enfin à cette loi d'un mouvement sans repos, qui évidemment déjà le poussait aux bornes de ce monde, aux espaces de l'éternité, Or, ce remède'que sa famille avait cru trouver, ne fit qu'accroître le mal; il ne fit que redoubler les accès de cettefièvred'indépendance qui lui brûlait la tête. II sortit, sa dette fut acquittée : probablement le munitionnaire voulut encore élargir son logement, on ne peut qu'ainsi expliquer cette libération qui a toujours été problématique pour la famille du détenu. Enfin le voilà libre, rendu à lui-même, ou plutôt rendu à l'on ne sait quel démon familier qui, dès ce moment, sem- bla lui présenter tous les royaumes à parcourir, et paro- dier cette satanique promesse : hœc omnia tibi dabo, en échange de ce bonheur domestique, à tout jamais perdu pour lui. Il respire. De l'air, de l'espace, il en a. Mais aussi il a assez de Paris. Il a tout vu, tout exploré. Ses relations avec les idoles du jour l'ont initié aux jongleries du sanc- tuaire, à ce culte de faux dieux; et, de la coulisse, il a vu tous les spectacles de Paris. Il ne manquait que Sainte- Pélagie qui, à son tour, n'a pas fait défaut à son expérience. Des jours passés à la Désaugiers, d'autres plus nom- breux passés à la Malfilâtre, étaient devenus le complément de cette étude, de cet apprentissage de Paris. Comme l'a- 8