Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
                                  86
 ronner de feuillage, le fleuve se planter de vignes, et la colline
 tout entière se verser dans la Moselle. Alors la crête du coteau
 nage avec un doux mouvement, on voit le pampre absent trem-
 bler, et la grappe se gonfler sous les eaux.
    Tous ces détails, sans doute, sont vrais et gracieux ; mais
 le sévère Boileau n'aurait-il pas dit :
          Sur de trop vains objets c'est arrêter sa vue?

Au milieu de ces minutieuses analyses, l'ensemble du ta-
bleau se décompose et disparaît. Il n'y a plus de grandeur,
d'unité; l'univers n'a plus d'âme ni de vie. Ausone n'a ja-
mais compris cet admirable vers : Jovis omnia plena. II le
prend pour une fiction poétique. Nec jam miramur licen-
tiam poëtarum qui omnia deo plena dixerunt. A la vue des su-
blimes beautés de la nature^ il n'a jamais senti son ame s'é-
lancer de son sein, et prête à se fondre dans cette sublime
harmonie. Il n'eut jamais écrit des vers comme ceux-ci :
          I live not in myself, but I become
          Portion of lhat around me; and to me
          High mountains are a feeling ....
          Are not the mountains, waves and skies a part
         Of me and of my sou!, as I of them ? (Cbilde Harold C. III.) (1)

   Pauvre poète !
         Un seul être lui manque et tout est dépeuplé.

Pour lui le monde est un temple désert, et la nature est
morte à ses yeux comme la croyance au fond de son cœur.

   (1) Je ne vis pas en moi, mais je deviens une portion de ce qui m'en-
vironne : pour moi les hautes montagnes sont un sentiment. — Les monta-
gnes, les vagues et les cieux ne sout-ils pas une partie de moi et de mon
ame, comme moi une partie d'eux ?