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17 J'ai fait remarquer plus haut que les livres, chez les Romains , étaient bien plus chers qu'ils ne le sont parmi nous, et qu'il ne pou- vait en être autrement, vu les seuls procédés possibles alors pour leur reproduction. Et cependant ils l'étaient beaucoup moins qu'ils ne le furent plus tard au moyen-âge , époque à laquelle la réunion d'un petit nombre de volumes était une magnificence royale ; moins encore qu'il paraîtrait naturel de le supposer, en considérant les frais nécessaires pour l'acquisition du premier manuscrit et la multipli- cation des copies. Nous devons aux écrivains anciens quelques données à cet égard. Ainsi Martial nous apprend que son premier livre , composé de 119 épigrammes , exemplaire bien conditionné suivant les usages de l'époque , ne se vendait que cinq deniers : De primo dabit, alterove nido Rasum pumice, purpuraque cultum , Denariis tibi quinque Marlialem ( 1). Ailleurs nous voyons que son treizième livre, qui contient 127 épi- grammes, se donnait pour quatre deniers, et pouvait même être obtenu pour deux : Omnis in hoc gracili xeniorum turba libella Constatât nitmmis quatuor empta tibi. Quatuor est nimium ? poterit constare duobus , Etfaciet lucrum bibliopola Tryphon (2). Nous avons, il est vrai, des exemples de livres vendus infiniment plus cher; mais ce n'étaient pas des livres courants, pour me servir d'un terme de commerce. C'étaient, ou des ouvrages ayant quelque particularité qui leur donnait du prix, comme cet exemplaire d'un seul livre de l'Enéide, dont parle Àulugelle, qui fut vendu 20 pièces d'or, mais qui était un autographe de Virgile, ou du moins avait été corrigé de sa main (3). Ou bien c'étaient des ouvrages encore iné- dits ; et ceux-ci devaient avoir un grand prix pour un bibliophile, et une grande valeur vénale pour un bibliopole, dont ils pouvaient faire (1) Epigr.,ï, 118, v. 15. <2) Epigr., XIII, 3, v. 1—4. (3) TSoct. attic,,n, 3. 2