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270 en embrassa quelques-uns ; il leur dit eu même temps : « Messieurs, priez pour nous. » « Etant restés seuls avec leurs confesseurs, les deux p r i - sonniers se contemplèrent un moment, puis tombèrent si- multanément dans les bras l'un de Vautre. M. Le Grand s'é- cria d'une voix pleine de sanglots : « Mon ami, je suis donc cause de votre perte ! Mon amitié vous a été un abîme. » Mais l'autre répliqua simplement et d'un visage serein : « Mon ami, cette mort m'est douce, puisqu'elle vient à cause de vous. Préparons-nous-y courageusement ; il est temps de mettre ordre à notre salut. » Ils se séparèrent après trois ambrassades fraternelles, l'œil calme et beau, et M. Le Grand passa dans un autre salle. Il fit là une confession générale de toute sa vie, mit beaucoup de ferveur dans ses prières, et té- moigna infiniment de regrets de sa trahison envers le roi et l'Etat. N'ayant rien pris depuis vingt-quatre heures, il se fit apporter du pain et du vin, dont il s'humecta seulement la bouche. Puis, se tournant vers sou confesseur, il dit : « Rien ne m'a tant marri que de me voir abandonné de mes amis : je ne l'aurais jamais cru. J'ai reconnu enfin , quoique trop t a r d , que ces amitiés de cour ne sont que dissimulation. » Le Père se contenta de citer ce fameux distique latin d'Ovide : « Dans la prospérité, tu compteras de nombreux amis. Dès « que les temps seront mauvais, tu en seras abandonné (1). » Il le trouva si fort à son gré, qu'il le répéta plusieurs fois avec un sourire légèrement amer. M. de Thou était resté dans la salle d'audience. D'abord qu'il vit son confesseur, il le re- çut avec ses paroles : « Ah ! qu'il y a peu d e distance de la vie à la mort ! » Et puis : « Allons, mon Père, ouvrez- moi le ciel ; donnez-moi la vraie gloire. » Après, il commença de réciter des actes d'amour de Dieu, de contrition et r e p e n - ti) Ce sont deux vers d'Ovide, I. Tria. IX, 5 - 6 . Voici le texle : Donec er'.s felix, multos numerabîs amicos, Tempora si fuerint nubila ; solus eris.