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 nilé plus grande. Après un interrogatoire d'une heure un quart,
 on le fit retirer dans une autre chambre. Il témoigna quelque
 inquiétude, saluant sur son passage à droite et à gauche. Mais
 s'étant promené depuis la grand'salle d'audience jusqu'à la
 chambre vis-à-vis, le lieutenant des gardes, chargé de sa per-
 sonne, le pria de ne point sortir de la grand'salle ; sur quoi
 M. Le Grand s'écria : « Eh ! bien, il faut donc demeurer ? » Il
 continua de se promener, soupirant quelquefois et levant les
yeux vers Dieu.
    « Environ sur les neuf heures et demie, M. le chancelier
envoya quérir M. de Thou au même château de Pierre-Encise
et dans le même carosse. M. La Grand, appelé de nouveau
par lesjuges, ditd'un ton d'humenr : « Mon Dieu ! ne sera-ce
jamais fait? » Cependant il en revint beaucoup plus tran-
 quille qu'auparavant. Sur ces entrefaites, M. de Thou parut.
 Il prit un doigt de vin, et se présenta aux juges. M. le chan-
celier l'ayant interrogé s'il n'avait point connu la conspiration
de M. Le Grand, M. de Thou répondit bellement : « Messieurs,
je pourrais nier absolument qne je l'aie su, et il ne serait pas
en votre pouvoir de me convaincre de faux, puisque M. de
Cinq-Mars seul le peut témoigner, car je n'en ai ni parlé ni
écrit à homme du monde. Or, M. de Cinq-Mars étant accusé
et complice, ne peut pas être un bon témoin, ni suffire pour
me convaincre , puisqu'il en faut deux irréprochables pour
condamner un homme. Et ainsi vous voyez que ma vie et
ma mort, ma condamnation ou absolution , selon les lois et
la justice, sont dans ma bouche. Pourtant, Messieurs, je l'a-
voue ; je confesse que j'ai su cette conspiration, et ainsi je
me rends coupable et me condamne moi-même. Durant trois
mois de prison, j'ai médité sur la mort, et ai considéré de près
la vie. Ma vie, en ce monde sera toujours malheureuse ; le
visage de la mort m'a semblé plus beau, et je l'ai trouvée plus
avantageuse. J'ai cru en Dieu et en sa miséricorde, et j'ai
embrassé la mort avec un saint amour. C'était ma prédes-
tination. »