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171 nez pas que l'humiliation de ces familles déshéritées rejaillit sur vos têtes ! vous ne vous sentez pas frappés dans votre va- nité en voyant traîner sous des haillons un type qui vous est commnn à tous ! Egoïstes maladroits, vous vous laissez avilir dans la personne du pauvre et pensez être généreux quand vous avez fait à une portion de votre race quelque mes- quine et insultante aumône ! — En ceci tu as mille fois raison, dit le jeune lieutenant; mais n'oublie pas, sage Méhémet, que la perfection n'est pas de ce monde, du moins en ce qui concerne les œuvres des hommes. Au reste, d'énergiques mesures sont presque partout adoptées contre la mendicité; un jour viendra que cette plaie aura complètement disparu. — N'est-ce pas pour y parvenir, un moyen bien efficace, et surtout bien équitable que de traquer les mendiants comme des bêles fauves, et d'aller à la poursuite des malheureux comme nous allons à la chasse du chacal et du lion ? belle société que celle qui fait un crime de mourir de faim à ceux de ses membres auxquels elle ne sait fournir ni pain, ni travail ! — La vivacité de ta censure fait honneur à ton ame , dit le lieutenant embarrassé. Pour le moment tous ces moyens sont incomplets, sans doute, mais patience, s'il y a des malheureux, il y a des paresseux aussi ; quand cha- que commune sera obligée de garder et de nourrir ses pau- vres —Eh! comment feront les communes où tout le monde est pauvre ? ces dernières seront écrasées, ce me semble, sous le poids de leur misère, tandis que les communes ri- ches , déchargées de tout soin , auront d'autant moins de sacrifices à faire qu'elles seront plus en état d'en supporter. Ne sera-ce pas une admirable combinaison ? on ne peut faire un pas dans votre ordre social sans se heurter à quelque contradiction choquante. Ce qui m'aie plus étonné chez vous c'est l'emphase avec laquelle on y étale de nobles senti-