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418 Malgré la saisie qui fut faite rigoureusement ensuite des exemplaires de la dissertation, il en reste encore quelques uns pour servir de preuve de l'engagement que, en signant le concordai, Pie VII avait pris avec Bonaparte de venir le sacrer et couronner empereur, dès qu'il en serait requis. C'est un démenti monumental à la supposition des adorateurs de la papauté, qui ne craignent pas d'affirmer que Pie VII ne vint faire cette cérémonie que parceque Bonaparte l'y avait forcé avec violence. Le ministre de la police était alors Fouché de Nantes. Il savait bien que l'abbé Guillon n'avait eu aucune part au jour- nal clandestin qui avait servi de prétexte à son arrestation, journal qu'on ne pouvait s'empêcher d'appeler visiblement le Journal invisible, et dans lequel la conspiration de Bonaparte contre la république était présentée sans ménagement; mais Fouché avait déjà un vif ressentiment contre l'auteur de l'Histoire du siège de Lyon et des désastres qui l'avaient suivi, dans laquelle étaient rapportés quelques-uns des actes commis en cette ville par Fouché, en qualité de commissaire de la Convention, depuis décembre 1793, jusqu'en avril 1794; et il ne pouvait plus douter que ces actes seraient racontés de nouveau et avec plus de détails dans la nouvelle édition que l'abbé Guillon allait publier. Le jour favorable au couronne- ment n'était pas encore venu, et il importait d'ailleurs à Bonaparte que celui qui avait paru si disposé à en ébruiter le projet fût mis hors d'état de le divulguer. Il y avait dix-huit mois que l'abbé Guillon languissait dans la prison dite de Pélagie, où il en avait passé plus de trois au secret le plus rigide, quand, le 26 juillet 1802, il fut enlevé par des gen- darmes, pour être trainé, de brigade en brigade, à près de trois cents lieues, jusqu'à l'épouvantable fort Saint-George, situé près de Mantoue, au milieu d'un marais pestilentiel. Il ne pouvait manquer d'y périr, après un voyage de cinquante jours, par les plus fortes chaleurs, pendant lequel tantôt les chaînes, tantôt les menottes ne lui avaient pas été épargnées,