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dans la voiture avec Gauffecourt, et que quand, malgré ses prières, je
voulais descendre , elle descendait et marchait aussi. Je la grondai long-
temps de ce caprice , et même je m'y opposai tout-à-fait, jusqu'à ce qu'elle
se vit forcée enfin à m'en déclarer la cause. Je crus rêver, je tombai des
nues quand j'appris que mon ami M. de Gauffecourt, âgé de plus de soixante
ans, podagre , impotent, usé de plaisirs et de jouissances, travaillait depuis
notre départ à corrompre une personne qui n'était plus ni belle ni jeune ,
qui appartenait à son ami; et cela par les moyens les plus bas, les plus hon-
teux , jusqu'à lui présenter sa bourse, jusqu'à tenter de l'émouvoir par la
lecture d'un livre abominable, et par la vue de figures infâmes dont il était
plein. Thérèse, indignée, lui lança une fois son vilain livre par la portière ;
et j'appris que le premier jour, une violente migraine m'ayant fait aller cou-
 cher sans souper, il avait employé tout le temps de ce tête à-tête à des ten-
tatives et des manœuvres plus dignes d'un satyre et d'un bouc, que d'un,
 honnête homme, auquel j'avais confié ma compagne et moi-même. Quelle
surprise! quel serrement de cœur tout nouveau pour moi! Moi, qui jusque
 alors avais cru l'amitié inséparable de tous les sentiments aimables et nobles
 qui font tout son charme , pour la première fois de ma vie je me vois forcé
 de l'allier au dédain, et d'ôter ma confiance et mon estime à un homme
 que j'aime et dont je me crois aimé ! Le malheureux me cachait sa turpi-
 tude. Pour ne pas exposer Thérèse , je me vis forcé de lui cacher mon mé-
 pris, et de receler au fond de mon cœur des sentiments qu'il ne devait pa&
 connaître. Douce et sainte illusion d'amitié ! Gauffecourt leva le premier ton
 voile à mes yeux. Que de mains cruelles l'ont empêché depuis lors de re-
 tomber !

   A Lyon, je quittai Gauffecourt, pour prendre ma route par la Savoie, ne
pouvant me résoudre à passer derechef si près de maman sans la revoir. Je
la revis...

  Les Mémoires secrels de Bachaumont nous apprennent que
Jean-Jacques se trouvait à Lyon en 1768 (1).
   En 1770 , l'illustre philosophe arriva dans notre cité vers
la fin de mars > et y demeura trois mois ; il y avait loué une
 chambre garnie dans la maison de la Couronne d'Or, place
de la Comédie ; c'est pendant ce séjour que sou Pygmalion
fut joué dans une des salles de l'Hôtel-de-Ville, et que Rous-
   ^O Voyez aussi les TABLETTES CHKOJNOLOGIQTES de M, Péricaud.