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   Rousseau nous apprend quel fut le résultat de sa passion
 pour Mlle Serre :
    J'eus quelque lieu de penser, dil-il, que son cœur ne m'était pas con •
traire ; mais elle m'accorda une confiance qui m'ôta la tentation d'en
abuser. Elle n'avait rien, ni moi non plus; nos situations étaient trop
semblables pour que nous puissions nous unir; e t , dans les vues qui m'oc-
 cupaient, j'étais bien éloigné de songer au mariage. Elle m'apprit qu'un
j'eune négociant, nommé Genève, paraissait vouloir s'attacher à elle. Je le
vis chez elle une fois ou deux ; il me parut honnête homme, il passait pour
l'être. Persuadé qu'elle serait heureuse avec lui, je désirai qu'il l'épousât,
comme il a fait dans la suite ; e t , pour ne pas troubler leurs innocentes
amours, je me hâtai de partir, faisant pour le bonheur de cette charmante
personne des vœux qui n'ont été exaucés ici-bas que pour un temps , hélas!
bien court ; car j'appris dans la suite qu'elle était morte au bout de deux
ou trois ans de mariage. Occupé de mes tendres regrets durant toute ma
route, je sentis et j'ai souvent senti depuis lors, en y repensant, que si les
sacrifices qu'on fait au devoir et à la vertu coûtent à faire , on en est bien,
payé par les doux souvenirs qu'ils laissent au fond du cœur.

  1743-1744. Rousseau, en se rendant à Venise en qualité de
secrétaire de M. Montaigu, passe de nouveau à Lyon. Il nous
apprend qu'il aurait bien voulu prendre la route du Mont-
Cenis, pour voir en passant la pauvre maman, mais qu'il
descendit le Rhône pour aller s'embarquer à Toulon.
   1754-1756. Rousseau passe de rechef à Lyon :
    Gauffecourt, avec lequel j'étais alors extrêmement lié , se voyant obligé
 d'aller à Genève pour son emploi, me proposa ce voyage : j'y consentis.
 Je n'étais pas assez bien pour me passer des soins de la gouverneuse : il fut
 décidé qu'elle serait du voyage , que sa mère garderait la maison ; et, tous
 nos arrangements pris , nous partîmes tous trois ensemble le 1 e r juin 1754.
    Je dois noter ce voyage comme l'époque de la première expérience qui,
jusqu'à l'âge de quarante-deux ans que j'avais alors, ait porté atteinte au
naturel pleinement confiant avec lequel j'étais né, et auquel je m'étais tou-
jours livré sans réserve et sans inconvénient. Nous avions un carosse bour-
 geois , qui nous menait avec les mêmes chevaux à très-petites journées. Je
 descendais et marchais souvent à pied. A peine étions-nous à la moitié de
 notre route, que Thérèse marqua la plus grande répugnance à rester seule