Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
                                15
 voulais aborder une question littéraire et la développer sous
 des formes que la nouveauté pût rendre plus attrayantes,
je me sentais arrêté par des obstacles qu'il ne me semblait
 pas possible de surmonter. Le mal si profond qui nous tour-
 mente me semblait en moi, plus profond encore; le doute
 m'arrivait avec toutes ses incertitudes, toutes ses irrésolutions,
 et la plume tombait de mes mains découragées.
    Et quel temps fut jamais plus que le nôtre en opposition
avec les observations et les croyances admises par les temps
 qui l'ont précédé? A quelle époque ces observations et ces
croyances ont-elles été combattues avec plus de force, ou
abandonnées avec plus d'indifférence ? Aussi lorsque nous re-
portant vers cet âge heureux de la vie où la foi est ardente
et les convictions sincères, nous nous rappelons les efforts
 que nous avons faits pour propager nos opinions , qui de
nous ne s'est senti parfois saisi d'un sentiment de regret?
Qui de nous ne s'est dit : Ai-je bien réellement servi la cause
 du bon goût ou celle de la vérité ?
    Regardez autour de vous : les dieux de notre jeunesse lit-
 téraire s'en vont ! Jodelet et Théophile viennent s'asseoir au
fauteuil du grand Corneille, et Ronsard a détrôné Racine.
Nous qui avons admiré Britanpicus, si timidement empoisonné
 dans la coulisse par Néron, Comment voulez-vous que nous
 admirions les tortures convu|lsives et les cercueils si auda-
 cieusement accumulés sur la scène par une fille des Borgia ;
 nous qui avons tant loué et les grandeurs de Cinna, et les
 douleurs d'Andromaque, et lès fureurs jalouses d'Orosmane,
 dites-moi , pouvons-nous louer de même et les amours de
 Marion de Lorme, et le découragement-suicide de Chatter-
ton , ou les querelles conjugales du tyran de Padoue.
    La période actuelle est, poftr la littérature, une période de
crise. Fasse la fortune de la France qu'elle enfante des chefs-
d'œuvre qui s'emparent, comme d'une conquête, de l'admi-
ration universelle ! Mais jusqujss-là., nous qui avons été nour-
ris du lait de la littérature classique, nous qui avons savouré