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118 mencée le doute dans l'esprit, je l'achève avec une conviction profonde. C'est que Chalier, dont le nom est encore voué au- jourd'hui à l'exécration publiçjue , c'est que Chalier, réprésenté long-temps comme un monstre, portait un cœur pur et sensible, et n'eut jamais qu'un tort, celui de pousser la vertu jusqu'au fanatisme, et ce fanatisme jusqu'à la rage. Si dans les temps ordinaires les hommes dont les idées sont grandes et généreuses ne sont presque jamais compris et presque toujours calomniés, comment, lorsque la marche régulière de la société se trouve bouleversée ; lorsque les esprits, impatiens d'un joug détesté , s'avancent en tâtonnant vers de nouvelles règles, vers de nou- veaux devoirs; comment ceux qui les premiers s'élancent vers l'avenir ne seraient-ils pas méconnus par le vulgaire esclave des apparences et de ses préjugés ? Sa vue étroite et bornée ne cherche jamais au-delà d'un fait un but, au-delà d'une volonté un motif; elle ne tient compte ni de l'intention, ni de la foi; aussi je ne suis pas étonné qu'on ait crié analhème sur le nom de Chalier ; car quelque salutaire qu'ait pu être l'œuvre révolu- tionnaire à laquelle il s'était associé, il n'y a pas de mémoire d'homme assez robuste pour s'en charger sans plier sous le poids..L'opinion est ainsi faite : on respecte la loi qui con- damne, et l'on a horreur du bourreau qui frappe. Chalier, bon et honnête dans sa vie privée, fut un énergu- mène en politique, parce qu'il vécut dans un temps où il état impossible à un homme de son tempérament de demeurer im- passible et froid ; il voulait le bonheur de son pays avec tout l'emportement d'un caractère que les obstacles irritent, d'un dé- voûment que l'egoïsme indigne. Il fut cruel, parce qu'il trouva trop peu de citoyens aussi généreux et aussi consciencieux que lui; il ne voulut tuer que parce qu'il désespérait de convaincre, que parce qu'il était persuadé que c'était le seul moyen de mettre un terme à la guerre civile et de rendre facile l'applica- tion des théories régénératrices qu'il méditait. Dans ces momens d'irritation, qui peut savoir jusqu'où peut aller l'exaspération des partis animés par la mauvaise foi des uns et l'ignorance obs- tinée des autres. Pu reste, Chalier a été jugé jusqu'à présent sur les interpré-