Revue du Lyonnais » série 1 - n°1 ( 1835 ) » pp.207

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presque aussitôt au coin du v e r g e r , s'avança en droite ligne vers
le poirier en question, monta lestement sur l'arbre et fit jouer ses
dents ; les pauvres crassanes disparaissaient comme des grains de
mil sous le bec d'un coq. Son repas terminé, l'ours descendit et
alla continuer sa digestion dans la montagne. — Et Guillaume ?
— Guillaume s'était jeté à plat-ventre contre terre et le temps lui
paraissait plus long qu'à l'ours.
   C'était un b r a v e , cependant ; et en se relevant, il dit tout bas :
nous nous reverrons! Le l e n d e m a i n , son voisin François le vint
visiter et le trouva occupéà scier en lingots les dent d'une fourche.
Guillaume tenait à garder son secret. François le devina. Il eut
beau répéter : à nous deux l'ours , Guillaume ! Guillaume le vou-
lait pour lui seul. Donc, point d'associé. François chercha la trace
de la bête et la trouva , et comme il était bon enfant et sans ran-
cune , il proposa de nouveau à Guillaume de faire à eux deux.—
chacun pour s o i , dit Guillaume.
   A dix heures et demie du soir, Guillaume prit son fusil de muni-
tion, dûment chargé d'une double mesure de poudre et des trois
lingots p r é p a r é s , roula un sac de toile grise et partit. Sa femme
n'osa pas lui demander où il allait : il paraît que le citoyen n'était
pas commode.
   François, de son côté, avait pris les devants et s'était placé
entre la forêt de sapins qui est à mi-côte de la moptagne et le ver-
ger [de Guillaume. — C'est bien certainement celle que j'aper-
çois , interrompit vivement ma jeune compatriote. — Où d o n c ,
où donc, répondit la jeune a n g l a i s e ! — L à , a d r o i t e , un peu sur
le côté. — Eh! non^ ma fille, dit le p è r e , il n'y a pas un sapin
dans ce que vous prenez pour une forêt. — Je parierais tout au
 monde que je ne me trompe point. — Soit!
   Je continuai :
   La nuit était claire; François vit sortir Guillaume par sa porte
de derrière. Celui-ci s'avança jusqu'au pied d'un rocher grisâtre
qui avait roulé de la montagne au milieu de son clos et qui se
trouvait à vingt pas tout au plus du poirier, s'y a r r ê t a , regarda
autour de lui si personne ne l'épiait ^ déroula son s a c , entra d e -
dans , ne laissant sortir par l'ouverture que sa tête et ses deux
bras et s'appuyant contre le roc et se confondit bientôt tellement