Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
588                  LA REVUE LYONNAISE
 un ancien mythe, et un exemple suffira pour montrer ce qu'est un
 mythe. Quand on disait en Grèce : Persée est le libérateur d'An-
 dromède, c'est-à-dire le Ravageur délivre la Bienfaitrice, c'est-à-
dire les luttes atmosphériques de l'aurore et du printemps ramènent
la lumière et la chaleur, les Grecs personnifiaient ainsi des phé-
 nomènes naturels en leur donnant une apparence humaine ; ils
créaient un mythe.
   On voit que le mythe, possibilité future du conte, est une
fable tirant ses héros des phénomènes ; à ce titre, il ne peut man-
quer d'attribuer aux personnages qu'il met en jeu des facilités
particulières de locomotion et de transformation ; c'est ce qu'on
appelle le merveilleux. Les scènes du merveilleux ressemblent
parfaitement à celles du rêve, et l'on sait que l'enfant est un rêveur
éveillé, toujours en train, dans ses jeux, d'animer les choses
d'une vie factice, momentanée et changeante. Un besoin en quel-
que sorte prophétique le pousse à prendre possession, grâce à
la mimique plus ou moins habile et au décor plus ou moins res-
semblant qu'il crée, des rôles d'homme ou de femme auxquels il se
sent prédestiné. Il est le dramaturge et l'acteur par excellence,
puisqu'il passe son temps à jouer lui-même et à faire jouer aux
choses le drame ou la comédie aux cent actes de la vie. C'est cette
aptitude à l'illusion plus ou moins clairvoyante, lui faisant pren-
dre pour autant de temps qu'il le veut un bâton pour un cheval,
par exemple, qui le rend éminemment propre à goûter le conte,
image exacte de son esprit : le conte est une féerie dramatique
et l'enfant est un auteur dramatique, il y a donc de l'un à l'autre
une convenance et une adaptation parfaites.
   Mais il n'y a pas en ce monde d'enfants que les enfants. Sans
parler du bon La Fontaine, le plus grand enfant qui ait jamais
existé, il y a toujours eu, dans les classes populaires surtout, des
hommes et des femmes à l'imagination neuve et jeune; il y a eu
chez les anciens des peuples et il y a chez les sauvages des tribus
d'une tournure d'esprit analogue ; il y a au désert les Arabes, il
y a partout les nourrices, tous gens qui font d'une manière ima-
ginative ce que l'enfant fait d'une manière scénique, c'est-à-dire
qui aiment à déplacer le possible et à supprimer l'impossible, pour
voir eux et les choses autres qu'ils ne sont en réalité, par un