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162 LA REVUE LYONNAISE du monde, les éléments d'une société nouvelle, les secrets d'un art civilisateur inconnu jusqu'alors. Les grands vassaux duraient encore, et leur puissance, presque souveraine, au dixième siècle, lorsque Hugues Capet monta sur le trône, s'était à peine affaiblie vers la fin du onzième. Du haut en bas de l'échelle sociale, du grand prince au fief souverain au chevalier possesseur d'une simple tour fortifiée, s'exerçait la tyrannie féodale. Elle avait bien oublié son origine, cette féodalité dont Montesquieu a pu dire : « C'est un beau spectacle que celui des lois féodales. » Elle n'épargnait ni le clergé ni le peuple, pressurant celui-ci, s'emparant des biens de celui-là en se rendant maître des élections et nommant par suite aux dignités de l'Eglise, parents, amis, serviteurs, etc.. Les comtes trafiquaient publiquement des évêchés et des abbayes de leurs do- maines, les vendaient, et certains les assignaient pour douaire dans les conventions matrimoniales, ou en disposaient par testa- ment comme d'un bien propre 4. Un homme de génie, — et ils sont nombreux dans ce moyen âge si ignoré ou si mal connu où brillent comme des lumières éclatantes les Hugues-Gapet, les Gerbert, le Guilhaume le Conquérant, les Suger, les saint Bernard, les Gode- froid de Bouillon, les Abailard, — le moine Hildebrand, devenu pape sous le nom de Grégoire VII, put vaincre à force d'efforts cette simonie qui menaçait l'existence de l'Eglise en la peuplant de dignitaires indignes ou incapables. Le grand pape, avait rêvé pour cette société dissolue, une rénovation, une sorte de baptême purificateur. La situation des chrétiens en Orient, les progrès de l'Islamisme préoccupaient alors tous les esprits : il fut arrêté par la mort dans l'exécution de ses vastes projets. Dans l'ordre politique, les rois successeurs d'Hugu«s, avaient, dans leur lutte contre la féodalité triomphé moins complètement, et sous Philippe Ier le pouvoir royal, quoique bien agrandi était encore soumis aux grands vassaux. Ils levaient des soldats, battaient monnaie, exerçaient la justice, se faisaient la guerre entre eux quand ils ne la faisaient pas au roi. Ce dernier n'avait d'autre pouvoir que celui de les convoquer en temps de guerre. 1 Essai sur Je gouvernement du Languedoc. Paris, 1773.