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24 LA REVUE LYONNAISE tir du lendemain, et pour un temps indéterminé, en faveur des fêtes de l'inauguration. Enfin, à ma septième étape, un homme juste consentit à m'accorder un coin dans son hôtel et un couvert à sa table, pour un prix qui n'était guère que d'un tiers trop élevé. Il était temps. Quelques minutes plus tard, je n'avais plus d'au- tre ressource que de louer un mail-coach à l'heure, pour passer la nuit dedans avec mes bagages. * Le lendemain, je me hâtai d'aller jeter un coup d'œil préventif sur la future Exposition, et je flânai par la ville. L'inauguration officielle était annoncée pour le 26 avril. Nous étions la veille. J'aurais pu le deviner rien qu'à regarder autour de moi. Les rues, les maisons, les boutiques parlaient d'inaugura- tion. Il y avait de l'inauguration dans l'air. A la station de la Porte neuve, c'était, depuis huit jours, une animation inaccoutu- mée. Des fourgons spéciaux apportaient de Rome les bagages de la Cour ; amoncellements fantastiques de malles, d'hommes et de femmes, de caisses, de colis de toutes formes et de toutes couleurs, timbrés aux armes de Savoie. Les soixante cuirassiers qui devaient précéder le landau du roi étaient à Turin depuis le 23. Des minis- tres, des députés, des sénateurs, des préfets, des maires, de hauts fonctionnaires, de grands dignitaires de l'Etat arrivaient ou étaient attendus. Les fiacres étaient guettés au passage, les tramways pris d'assaut, les cafés envahis. On s'arrachait les journaux. On s'en- tassait dans les hôtels. Entre nous, je crois que tout le monde, étrangers ou turinois, avait un peu perdu la tête. Longtemps avant trois heures, de nombreuses voitures remon- tent la rue de Rome, se rendant à la station de la Porte neuve. La foule s'amasse le long des maisons. A trois heures et demie, des coups de canon ébranlent les vitres. Le train royal entre en gare. Le roi Humbert, la reine Marguerite et le prince de Naples, le principino, comme l'appellent les journaux italiens, sont reçus et complimentés par les autorités locales. Une douzaine de landaus et de calèches de la Cour les transportent au Palais-Royal où commencent les réceptions officielles. Le roi est vêtu en bourgeois.