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UN CONTEUR MODERNE : GUY DE MAUPASSANT Les in-quarto ont vécu et les longues histoires aussi. A notre heure, on prend, pour lire, à peu près le temps qu'on met à tirer ses gants. Un quart d'heure de théâtre pour prendre de l'esprit et du ton, un quart d'heure de lecture pour prendre langue. Une larme de littérature après son dîner, comme une larme de cognac. Et le public veut lire si vite que les auteurs font tout court. Le conte, le conte en quarante lignes, suffit maintenant à notre appétit littéraire. Le conte qui tient dans une colonne de journal, le conte • qui ne fait pas tourner la page, qui se coupe en une infinité d'ali- néas, qui n'est pas une aventure de Don Quichotte ou une vie de Manon Lescaut, où l'esprit galope trop vite en tropd'étonnements, le conte simplet, à petits tableaux, crayonnés, à courte haleine, sans sujet, à un personnage, le conte fait d'un coin de vie, d'un bout de paysage, voilà tout le brin de littérature que supportent les chétifs et les pressés d'aujourd'hui. Aussi de partout ils éclosent les faiseurs d'historiettes, les trousseurs de riens, les peintres d'esquisses, les artistes en croquis, les conteurs de bagatelles. Tous les jours, dans un journal quel- conque, ce sont des histoires qu'on nous glisse, des histoires qui se tiennent sur une tète d'épingle, et jolies et signées, et minces comme de la galette. Sur cette demi-page, où chaque phrase va à la ligne, l'auteur a peiné autant qu'un Chinois dans la taille com-