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SOUVENIRS D'ALGP:R 559 Retournez vite aux pays froids, car vous avez besoin d'être aiguil- lonné par le vent du Nord. Vous y trouverez moins de soleil, moins de bien-être, beaucoup moins de paix surtout, mais vous y verrez des hommes, et sage ou non, vuus y vivrez, ce qui est la loi. L'Orient, c'est un lit de repos trop commode où l'on s'étend, où l'on est bien, où l'on ne s'ennuie jamais, parce que déjà l'on y sommeille, où l'on croit penser, où l'on dort. Beaucoup semblent vivre qui n'existent plus déjà depuis longtemps. Voyez les Arabes, voyez les Européens qui se font Arabes pour avoir un moyen lent, commode et détourné d'en finir avec la vie par un vo^ptueux suicide. » «Voluptueux suicide ! » Le substantif me paraît exact, l'adjec- tif, infiniment moins. Chaleur extrême, siroco, moustiques, a b - sence de nourriture, absence de confortable, sentiment de dé- chéance physique et intellectuelle : je vois bien le suicide, je ne vois pas la volupté. Disons donc : suicide, sans épithète. C'est à cela que va la France, si elle persiste à s'étendre vers le sud au mépris de toute hygiène nationale. Quoi ! au moment où le flanc ouvert, encore rouge de son sang mal essuyé, elle se receuille pour la lutte suprême, au moment où elle doit revivre grande où mourir, au moment où les hommes et les chances se comp- tent des deux côtés du Rhin, elle s'annexe la Tunisie, lais- sant d'ailleurs échapper l'Egypte, elle s'annexe le M'Zab, elle im- mobilise cent mille hommes en Afrique, elle convoite le Congo, le Tonkin, Malagascar, et prépare de nouveaux holocaustes à l'im- pitoyable soleil. France, arrête-toi ! arrêtez-vous, avocats de tou- tes nuances et de toutes éloquences qui parlez et décidez en son nom, sinon, avant cinquante ans, le Teuton, l'affreux Teuton, se croassera sur les bords de la Seine, Paris, notre cher Paris, s'ap- pellera : « Lutessen » ; les restes de ce qui fut la France auront Tombouctou pour capitale et seront présidés par un Grévy parfai- tement noir, orné de gigantesques anneaux dans le nez et d'une belle force *à la Bamboula. Eh quoi, me direz-vous, renoncer à l'Algérie! Ce serait peut-être la solution la plus sage, mais je ne vais pas jusque-là . J'aime l'Algérie malgré tout. Son soleil, heu- reusement à l'abri des dévastations de l'homme, distribue une lumière si belle, et, parfois, des caresses si douces, qu'on oublie