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558                 LA REVUE LYONNAISE
sances du rêve, chauffant la place à leur tour pour d'autres
transis qui les talonnent. Ainsi s'explique l'éternelle et toujours
vivante histoire du Midi mangé par le Nord. Ecoutez le vieux
Parny, ce qu'il écrivait en 1775 sur l'infériorité du climat inter-
tropical, pourrait s'écrire encore et ne s'applique pas seulement à
l'Ile Bourbon.
  « Je ne sais pas pourquoi les poètes ne manquent jamais d'intro-
duire un printemps éternel dans les contrées qu'ils veulent rendre
agréables ; rien de plus maladroit. La variété est la source de tous
nos plaisirs et le plaisir cesse de l'être quand il devient habitude.
   Vous ne voyez jamais ici la nature rajeunie, elle est toujours la
même, un vert triste et sombre vous donne toujours la même
sensation. Ces orangers couverts tout à la fois de fruits et de
fleurs, n'ont pour moi rien d'intéressant parce que jamais leurs
branches dépouillées ne furent blanchies par les frimas. J'aime à
voir la feuille naissante briser son enveloppe légère, j'aime à la
voir croître, se développer, jaunir et tomber. Le printemps plairait
beaucoup moins, s'il ne venait après l'hiver. Nous avons, il est
vrai, un ciel toujours pur et serein, mais nous payons trop cher
cet avantage. L'esprit et le corps sont anéantis par la chaleur,
tous leurs ressorts se relâchent, l'âme est dans un assoupissement
continuel, l'énergie et la vigueur intérieures se dissipent par les
pores. »
   Écoutez Fromentin, l'Africain convaincu, l'amateur passionné
du ciel bleu sans nuages au-dessus du désert sans ombre, qui
crevant de soif dans le Sahara, ne voyait pas venir sans effroi le
moment où il pourrait boire à son aise. Celui-là n'est pas suspect
et c'est de l'Algérie qu'il parle.
   « J'étais un jour dans un village du Sud, au coucher du soleil
et par une soirée si belle qu'elle en devenait dangereuse pour nn
esprit trop naturellement porté au repos. C'était au bord d'un
étang, sous des dattiers. Baigné d'air chaud, pénétré de silence, et
sous l'empire de sensations extraordinairement douces et perfides,
je disais à mon compagnon : Pourquoi donc s'en aller ailleurs,
si loin du soleil et du bien-être, si loin de la paix, si loin du
beau, si loin de la sagesse? Mon compagnon qui n'était pas un
philosophe, mais simplement un homme actif, me répondit :