page suivante »
454 LA REVUE LYONNAISE plume les décrire. Dans les grandes forêts dé l'Afrique Centrale, là où les singes n'ont été encore ni dérangés, ni corrompus par l'homme, je suis sûr que les choses se passent avec infiniment plus de décence et de propreté. Quelques familles francisées ou croyant l'être, invitent sur bristol élégant tous le3 fonctionnaires en relief à leurs cérémonies de mariage. Dans un fauteuil quelconque, une fille, vêtue de blanc comme une mariée de France, couverte de gros bijoux comme une idole indienne ; autour, un chœur de femmes agitant des mouchoirs et esquissant des pas de danse sans aucune grâce aux sons d'une musique sauvage empruntée aux Arabes ; déjeunes circoncis s'essayant sans aucun succès au rôle de cava- liers servants, des sirops nauséabonds, des pâtisseries indigestes, voilà le fond de la fête. Les fonctionnaires s'en vont déçus, mais la juivaille qui a balancé le passif des sirops absorbés avec l'actif de la vanité satisfaite se trouve en bénéfice et se frotte les mains. Le même cercueil sert à ces gens-là pour tous les transports au cimetière. Le mort est couché dans la fosse", vêtu d'un simple suaire, et, avant de le couvrir, on lui pose sur le nombril, sans doute pour le bien caler, une sorte de pyramide en pierre dont la dimension et les ornements varient, suivant les goûts, les moyens et la généro- sité des héritiers. Chaque dimanche, dans la matinée, une phalange d'horribles mégères se réunit au cimetière et y gémit, à tant par heure et par tombeau, on reçoit des abonnements pour les fêtes et anniversaires. Les Juifs sont tumultueux et discordants. Al'encontre des Arabes, si nobles dans leur port et leur démarche, si sobres de gestes et de bruit, ils ont, comme disait le nerveux Baudelaire, « des mouvements qui dérangent les lignes, des voix, qui rompent désagréablement les harmonies du silence. » Ils occupent une place énorme eu égard à leur nombre; ils mettent, le samedi, en déser- tant leurs magasins, Alger en deuil et Saint-Eugène en fête, s'ins- tallent et s'étalent comme en pays conquis dans les établissements publics, dans les omnibus, s'assoient sur vos genoux, vous fument au nez, s'invitent à votre conversation, en ramassent les miettes avec des abandons, des gaîtés, des familiarités de chiens à qui on vient d'ôter la corde, vous avez toujours envie de leur dire : A bas les pattes, Azor ! Ils ne s'appellent pas Azor, mais Baruch, Isaac, Aaron, Mardôchée, Mathathias, Sarah, Rachel, Rebeqca, et