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PENSÉES 393 MARIOS ne fut qu'un brave soldat et un bon général. Médiocre politique, médiocre citoyen, il montra p^eu de génie et de cœur. Ses quelques vertus furent peut-être des vices à qui manqua le temps d'éclore ou l'occasion d'éclater. Sa grande science fut de proscrire. Quiconque, soit en paix, soit en guerre, lui faisait obstacle, était son ennemi qu'il s'appliquait à détruire. Un partisan de Sylla était Cimbre à ses yeux. Il n'admettait que deux sortes d'hommes, des amis et des ennemis. Un égoïsme ambitieux était toute sa conscience, toute sa conduite. Il élevait le plus vil qui prenait son parti ; il supprimait le plus noble qui le contrariait. « Rome », « Patrie » ne lui disaient rien; dominer, dominer seul, dominer n'importe comment, dominer envers et contre tous, voilà sa passion. Marius fut une épée infatigable et impitoyable qui, tournée contre les en- nemis du nom romain, les abattit ou les chassa; qui, retournée contre ses concitoyens, les décima, à ce point qu'il ne resta plus dans Rome qu'un petit nombre de gens qui paraissaient des ombres d'hommes et de Romains. * Victus, victima; hostis, hostia... Ces étymologies en disent plus long sur la cruelle « civilisation » romaine que tous les récits de Tite-Live. JOSEPH RODX. (A suivre.)