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386 LA REVUE LYONNAISE vent singulièrement. En présence des personnages mis en scène, de leurs paroles, de leurs larmes, de leurs aspirations, de leurs luttes contre les autres ou avec eux-mêmes, chacun se reconnaît, et, comme l'esclave de Térence, s'écrie : Homo sum; nihil humani a me alienum puto. * « Un noble esprit ne peut trouver dans uu cercle étroit le déve- loppement de son être .. Il faut qu'il s'instruise à supporter le blâme et la louange... La retraite ne l'endort plus alors de ses flatteuses illusions ; un ennemi ne veut pas, un ami n'ose pas le ménager. » Que ces paroles, que Gœthe met dans la bouche du Tasse (Act. I, se. u) m'ont troublé souventes fois! Danger des flatteuses illusions dans la retraite qui m'étreint; amis qui n'osent pas me recommander, ennemis qui me renversent du bout de leur langue et m'exterminent du bout de leur petit doigt; jaloux d'en hauf, d'à côté, d'en bas, que je ne puis appeler de ce nom parce qu'ils ont aux yeux des hommes plus de passé, de présent ou d'avenir que moi; préjugés et préventions, d'autant plus inéluctables qu'elles se dérobent derrière le silence, et même derrière un semblant de sympathie... tout cela me jette par intervalle dans une tristesse voisine de la mort. * La France n'a, depuis le Moyen Age, enfanté aucune épopée souveraine. Mais de ce que la France, sortie de sa voie poétique, attend toujours une œuvre grande comme elle, est-ce à dire que ce monument épique ne surgira jamais? Est-ce à dire qu'il n'a jamais surgi ? Un peuple est un, mais qu'il est multiple aussi ! Si' notre mère patrie est réputée aujourd'hui stérile, oublie- t-on qu'elle fut jadis féconde? Elle fut à ce point féconde que les peuples qui lui refusent le don épique, lui doivent, à elle, les poèmes dont ils sont fiers. Où donc, s'il vous plaît, Arioste, Tasso, Milton, Gœthe, etc., ont-ils puisé leurs inspirations? N'est-ce point dans nos troubadours, n'est-ce point dans nos trouvères? Char-