page suivante »
PENSÉES 387 lemagne, Roland, Merlin, Renaud, Lancelot, Amadys, elp., sont bien des noms français, des héros français. Ah! notre langue a trop souvent changé, et notre verbe informe encore, parla trop tôt! N'importe ! ils eurent le souffle épique, ils connurent l'accent de l'épopée, nos trouvères du Moyen Age ! Si les syllabes employées par ces hommes forts n'eussent pas subi l'inconstance des temps, si leurs édifices d'imagination eussent résisté aux révolutions comme ces bâtisses de pierre léguées par d'autres artistes leurs contemporains, même admiration saluerait toutes ces œuvres, diverses de matière, pareilles de génie ; et de même qu'on ne dit plus, comme au siècle de Fénelon, que nos monuments gothiques déposent contre notre génie architectural, on cesserait de dire aussi que nous sommes pauvres d'épopées, parce que nous possédons une vingtaine d'incomparables vieilles « chansons de geste » du temps jadis. Le sentimental est dangereux en piété, en morale, en littéra- ture, en tout ! * Ne dites pas : Celui-là choisit mal le temps pour publier son ouvrage... Il faut publier, quand on le peut, à temps et à contre- temps. Aujourd'hui est dans notre main, le passé n'y est plus, le futur y sera-t-il ? Pourquoi préférer au certain l'incertain? L'heure est mal propice : attendre en amènera-t-il une meilleure? Il faut respirer, il faut publier présentement. L'œuvre produite se dégagera à la longue des circonstances" défavorables et finira par être estimée à son prix. Certaine perfection poétique rappelle un fruit trop fait, en voie de pourriture. Lucain « ciselait » plus que Virgile, Silius aussi, Stace aussi... Racine « ciselait » moins que Vigny ou Autran... Qu'est-ce à dire ? Virgile et Racine sont-ils [pour cela auteurs de décadence? A d'autres!