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370 LA R E V U E L Y O N N A I S E quittar. Dans le syndicat de l'élection des conseillers de ville, en 1356, on trouve avec ces formes celles en eier : aplaideyer (plaider) qui dans notre patois moderne serait aplaidojrô ; et celles en ier : empiner qui serait empira, etc. J'entendais dire l'autre jour que notre savant et infatigable ar- chiviste, M. Guigue, avait récemment découvert les pièces d'un curieux procès au moyen âge. Il s'agissait de savoir si Lyon était de langue d'oc ou d'oïl. Des témoins furent appelés, dont le plus grand nombre opina que nous étions de langue d'oc8. Nous avons bien, en effet, le caractère distinctif des dialectes d'oc, qui est a tonique libre demeuré a : cantare, chantar, amare, amar, tandis qu'il est devenu e en langue d'oïl : aimer, chanter. Mais les témoins auraient aussi bien pu dire que Lyon était de langue d'oïl. En effet, nous avons vu qu'à côté de la forme en ar, Lyon avait la forme en ier : mangier, ensemn'er, comme en français, tandis que la langue d'oc avait manjar, enseigna;*. Ce que l'on peut exprimer par ces deux beaux vers à la faconde Lancelot : Car j e suis d'oc, voyez mes a! Mais je suis d'oïl, mes ier sont là ! J'ai raconté, ne sais plus où, que dans les quarante ans, il y avait à Lyon un ténor, de son nom Jouard. A la première repré- sention de Sémiramis, un grand gognant lui cria d'une stalle : « Il ne s'agit pas seulement de Jouard, il faut encore chantar ! » Ce gaudisseur se doutait-il seulement qu'il parlait le pur lyonnais du treizième siècle ? Nos verbes patois en î sont-ils une métempsycose de la forme en ter, usitée au treizième siècle dans Marguerite et les docu- ments de la même époque ? Ou bien y avait-il, à côté du langage de la ville, soumis aux influences d'oïl, un langage rustique dis- * Je lis à l'instant dans la Revue Lyonnaise un très intéressant document sur le Prieure d'Alix, publié par M. Georges Guigue,'où ce procès (1331) se trouve relaté.