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360:'                LA REVUE LYONNAISE
impénétrable où travaillait l'artiste, quand il se fut enquis de la
façon dont allaient les choses, il hocha par deux fois la tête et
s'adressant à la supérieure :
    « Le jeune homme ne me semble guère pressé de terminer son.
ouvrage. Il dîne au couvent, paraît-il. Comment donc le traitez-
vous ?
   — Mais, Monseigneur, répondit-elle, nous avons fait de notre
mieux pour le contenter. Nous lui donnons tout ce que nous pou -
vons trouver de meilleur, de plus fin. Rien ne lui manque chez
nous.
   — Eh bien ! ma Mère, c'est justement là votre erreur. Croyez-
moi : ne lui donnez plus désormais que des oignons crus et du
pain pour nourriture, et pour boisson de l'eau bien claire. A Bel-
lefontaine, ajouta-t-il en souriant, vous ne pouvez manquer d'être
bien partagées sous ce dernier rapport. Suivez mon conseil et vous
verrez que le tableau sera bien vite achevé ».
   Le peintre ne se doutait nullement du complot tramé contre son
estomac ; aussi quelle ne fut pas sa stupéfaction lorsqu'en arrivant
le lendemain au réfectoire, au lieu du décor accoutumé, il se
trouva en face d'une botte d'oignons nouvellement cueillis, d'un
gros morceau de pain bis et d'une eau plus limpide que le cristal ?
Il ne fut pas longtemps à deviner d'où partait le coup qui le frap-
pait : mais, en philosophe qu'il était, faisant contre mauvaise for-
tune bon cœur, il attaqua bravement son dîner, et avala, sans trop
de peine, le contenu de la carafe. Les deux jours qui suivirent,
le menu fut le même. Ce régime d'anachorète avait eu, ce semble,
l'influence la plus puissante sur le développement de son activité :
car le soir du troisième jour, il déclara à la mère supérieure que
la fresque était achevée, et après l'avoir remerciée des attentions
qu'on avait eues pour lui, sans allusion aucune à la composition
végétarienne de ses derniers repas, il lui déclara qu'il partait,
mais, que toutefois il demeurerait quelques jours encore dans le
pays. La somme promise lui fut comptée sur-le-champ, et le rapin
se retira, en décochant à la révérende mère un regard qui avait
bien l'air de la flèche du Parthe.
   Monseigneur qui n'avait point encore quitté le village voisin de
Bellefontaine, fut prévenu de grand matin de la réussite de son