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                      SOUVENIRS D'ALGER                          341
De nombreuse^ tribus de « ladies and gentlemen » s'y installent
depuis vingt ans, comme à Nice, à Biarritz, à Pau et en Touraine,
accaparant à grands frais les logements les plus confortables,
laissant leurs larges traces dans la poussière de tous les chemins,
noyant le souvenir de leurs brouillards dans une actualité de
soleil, assombrissant le paysage, épouvantant les oiseaux du ciel
de leur langage dur, de leurs casques blancs, de leurs voiles verts,
de leurs silhouettes sans grâce, recouvertes de vêtements sans
goût. Pour un minimum de deux mille francs par an, on peut
trouver là, en cherchant bien, une petite maison non meublée, avec
un petit jardin et une petite échappée de vue sur cette baie aux
aspects changeants et gracieux qui est la merveille d'Alger.
   Saint-Eugène, au bout d'une route attristée par deux cime-
tières, s'étend le long d'une côte abrupte, semée de rocs nus,
battue par une mer sans plage, au pied de montagnes trop pro-
chaines qui coupent l'horizon d'une ligne impérieuse et dénuée
d'harmonie. Les Anglais y sont remplacés par des Juifs d'une
laideur égale, mais différente. Chacun des deux villages compte
ses jardins par centaines. Dans la grande symphonie de couleurs
qui s'en échappe et retient l'œil charmé, sans parler des roses, des
œillets, des pétunias, des géraniums, des héliotropes, des volu-
bilis et autres fleurs d'Europe, le blanc, depuis le vieil argent
jusqu'à la céruse, est représenté par l'oranger, le citronnier, le
faux dragonnier, le hpyllodendron, la carmentine de Ceylan, le
datura, le pittospore de la Chine, la liane porcelaine.; le rose,
par le polygala, le duranta, le strelitzia, le laurier ; le rouge,
depuis la rouille jusqu'à l'écarlate, par le callistemon de la Nou-
veîle-Hollande, le grenadier, l'hibiscus, le bignonia, la liane de
Bougainville ; le jaune, par le lantana, le mimosa, le tecoma,
l'abutilon ; enfin le bleu avec toutes les dégradations si délicates
de ses nuances, de l'outre-mer au saphir et du saphir à l'opale
par le pomaderis, le wigandia, le jacaranda, le bombax, le den-
telaire du Cap. Et la variété des formes ne le cède pas à la variété
des couleurs, des grappes, des thyrses, des épis, des bouquets, des
lyres,des buires, des clochettes, des coupes renversées, des casques
antiques, à travers des feuilles, larges, étroites, longues, courtes,
pennées, dentelées, lancéolées, découpées en éventail, unies, cirées,