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342 LA REVUE LYONNAISE gaufrées, vert pâle, vert bronze et vert-de-gris. Au-dessus de ces parterres luxuriants, les oliviers, les palmiers, les platanes, les pins, les acacias, les eucalyptus, étendent leurs ombrages altiers et protecteurs. Et, de tout cela se dégage, surtout après les jour- nées de siroco, quand la nuit tombe, silencieuse et fraîche et que la brise de mer se lève, un parfum complexe, fait de mille par- fums, puissant, enivrant, plein d'appels à la volupté. Cette flore, fille du soleil algérien, est digne de lui. De la petite villa de Saint- Eugène où j'écris ces lignes, le coup d'œil n'est pas le premier venu. En haut, au Zénith, une voûte immense, d'un bel azur tendre ; à droite, une montagne d'une verdure intermittente, mal couronnée d'une espèce de plum-pudding en maçonnerie servant d'église, égayée sur ses flancs par le cheminement des troupeaux; en face et à gauche, des massifs d'arbres variés, tamisant la lumière et l'égrenant en perles à travers le treillis mouvant de leur feuillage. Plus loin, des toits rouges, des murailles blanches; plus loin encore, fermant l'horizon, mêlant, sans les confondre, sa ligne à celle du ciel, une mer indigo, légèrement frangée d'écume à ses bords, à peine ridée, presque muette, Ne trouverais-je pas là , si j'avais le bonheur d'être peintre, les éléments d'un gracieux tableau? Je tiens à constater que je n'ai aucun parti pris de déni- grement et que je sais faire, quand il y a lieu, bonne mesure d'enthousiasme. En dehors des Anglais, des Juifs, des Arabes, des commerçants et des fonctionnaires, il y a encore, tant à Alger que dans ses an- nexes, au milieu de beaucoup de gens comme vous et moi, de vieux militaires qui n'ont pu se décider à quitter le berceau de leur gloire et de leurs rhumatismes, de malheureux phti- siques, cherchant à se persuader, grâce à la complicité du soleil, qu'ils ont seulement de gros rhumes, des victimes de la politique, des fruitssecs de toutes les carrières métropolitaines, aussitôt trans- formés, par un coup de baguette de la fée coloniale, en journalistes influents et en agents d'affaires occupés, des commerçants dont l'ambition a eu plus de souffle que de crédit, d'anciens officiers mi- nistériels taquinés par les parquets de France, des dignitaires exotiques, des nobles de contrebande qui pourraient mettre un casier judiciaire dans leurs armoiries, des cantinières passées