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340 LA REVUE LYONNAISE sous le joug d'une nécessité implacable et quotidienne, ce que je ne souhaite à personne, on n'habite pas Alger, Le boulevard de la République qui jouit d'une vue exceptionnelle sur la mer est malheureusement infecté dans toute son étendue, non seulement, par les odeurs indigènes, mais par des émanations d'huile, de goudron, de poisson gâté, amalgame intolérable pour peu que la température s'élève. Les rues Bab-Azoun, Bab-el-Oued, de la Marine, de la Lyre, de Gonstantine et d'Isly, avec leurs arcades surbaissées, leurs chaussées étroites, leurs boutiques humides, leurs entresols obscurs, sont boueuses l'hiver, poussiéreuses l'été, sales en tout temps. La zone pestilentielle, foyer permanent d'épidémies, comprend la partie entière de la ville étranglée entre la montagne et la mer, elle s'étend même de beaucoup au delà . L'air approximativement respirable ne se trouve qu'au bout d'une série de pentes, de tournants, comme on dit ici, dont la dernière vous met au niveau delà Casbah, véritable échelle de Jacob, un peu haute et un peu raide pour tout autre qu'un clown ou un singe. La plupart des maisons, faites de briques et de boue, laissent pénétrer avec une complaisance déplorable le vent et l'humidité. Aucune porte, aucune fenêtre ne ferme, en revanche, toutes les cheminées fument. En guise de parquets, des carreaux de faïence, pères nourriciers de corizas et de fluxions de poitrine. Signalons enflncomme un comble de disposition confortable cette habitude très générale de loger les concierges algériens, non près des portes qu'ils sont destinés à ouvrir, mais sur les terrasses où ils narguent tout à leur aise les suppliants appels de la cloche et du marteau. Quelque défectueuses que soient ces maisons, on les paie comme parfaites, c'est-à -dire, fort cher. « Il est devenu presque absolument impossible à une'famille d'ouvriers ou de petits employés de se loger convenablement à moins de payer 50 ou 60 francs par mois pour trois ou quatre petites chambres et une cuisine. «(Extrait du Petit Colon, numéro du lundi30 avril 1883). Restent les villages de Mustapha et de Saint-Eugène. Il y a deux Mustapha, l'inférieur, un grand faubourg bruyant, malpropre, malsain, traversé par des égouts qui noircissent et empoisonnent la mer à plusieurs kilomètres de distance ; ne nous y arrêtons pas. Le supérieur, étage sur de jolies collines, est la proie des Anglais.