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LE R E C T E U R DE VALLPOGONA 285 can, avant lui, croyant la poésie morte dans sa province, s'était fait innovateur castillan. Sérafi, le plus marquant peut-être des imitateurs d'Ausias March, avait adopté le système de métrique et les genres des écoles de Castille. Garcia suivit cette pente, soit de lui-même, soit qu'il y fût entraîné par l'exemple de ses contempo- rains. Il demeure sous le coup d'un reproche plus grave, vu le caractère dont il est revêtu. Pour notre part, nous ne voyons nul inconvénient à ce qu'un poète-prêtre, célèbre autant qu'il lui plaira quelques Iris imaginaires. C'est là , à nos yeux, une idée singu- lière, car pour la poésie amoureuse, plus que pour tout autre, nous sommes de l'avis de Boileau : Pour bien exprimer ses caprices heureux, C'est peu d'être poète, il faut être amoureux. Nous croyons difficile la réelle peinture d'un sentiment que le devoir interdit d'éprouver, et si malgré nous, nous le subis- sons, de l'exprimer comme personnel; nous ne l'interdisons pas en tant que badinage, mais il y a péril plus grave, lorsque, dans l'œuvre d'un homme d'église, et dans l'œuvre d'un homme qui n'est point un apostat, comme Théodore de Bèze, ou un défroqué comme la plupart de nos petits abbés musqués du dix- huitième siècle, l'on trouve des pièces licencieuses et tachées d'une boue païenne. D'autre part, il faut tenir compte de l'époque, moins scrupuleuse que la nôtre sur ce point, et où des hommes graves, de pieux et dignes magistrats vitse castissimse morumque inte- gerimorum, s'amusaient à commenter, à imiter ou à traduire Ca- tulle, Properce et tous ces délicieux épicuriens, chez qui lésâmes délicates trouvent tant de venin, parce qu'il y est masqué sous les fleurs. Ce goût que leur vie réprouve, et que leur situation leur défendrait de satisfaire, Garcia l'a subi à certaines époque de sa vie. M. Rubio y Ors espère que les vers auxquelles nous faisons allusion, sont tous datés du temps où il portait la houpelande uni- versitaire ; il établit, en outre, que plus d'une pièce de ce genre, qu'on lui attribue, appartient à d'autres poètes moins connus, et que l'esprit mercantile les a seul fait passer pour siennes» Peut- être est-ce d'ailleurs là qu'il faut chercher la raison du succès des œuvres de Garcia ; durant sa vie et jusqu'en 1702, les lecteurs