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286 LA REVUE LYONNAISE épuisent successivement quatre ou cinq éditions de ses poésies. Un autre élément de succès fut, ainsi que le remarque fort bien le sa- vant professeur, cette subtilité, cet amour d'une certaine pédante- rie scholastique, ce jeu d'inversion, ce goût pour l'hyperbole, l'énigme et le concepto, qui font aujourd'hui tomber de nos mains les œuvres ou nous rencontrons de semblables qualités. Garcia, en effet, ne manque point d'esprit; il a raillé dans une pièce, que nous traduisons telle que la cite M. Rubio, c'est-à -dire, fortement écourtée, — le style mièvre de la poésie amoureuse de son époque : « Ses cheveux sont des cheveux et non point de l'or d'Arabie : s'ils étaient tels, je crois fort que quelqu'un lui aurait pris sa che- velure. Sa bouche n'est pas de corail ni semée de perles, mais remplie de dents à défier les tenailles. Ses mains ne sont pas d'ivoire, d'albâtre ni d'argent, pots et casserolles n'y gagneraient rien. » Gomme satirique, comme quévedisant, — qu'on me passe ce néologisme. — il est admirable. Je n'en veux pour preuve que cette letrilla : « Les choses de ce monde sont vertes et mûres. « Verte est la candide brebis qui derrière un morceau de pain, va, sans y trop réfléchir, se faire égorger ; mûre l'infâme vieille qui au lieu de l'en avertir, la guide de la main pour qu'elle livre mieux son sang. « Les choses de ce monde sont vertes et mûres. « Vert est le jouvenceau, qui à l'âge tendre, inexpérimenté en- core et enflammé à l'éclair de deux yeux, réduit en cendre son patrimoine : mûre celle qui fait naître en lui une passion si effré- née, se tirant d'affaire sans lui donner que de l'espoir. « Les choses de ce monde sont vertes et mûres. « Vert est aussi l'étourneau,à peine sorti de son nid, qui sur toute matière, jase comme un fou ; mûr celui quis'enmoque, mais qui pour l'encourager, l'admire, le loue et le range entre Sénèque et Solon. « Les choses de ce monde sont vertes et mûres. « Vert est celui qui attend la barbe et est gradué en médecine, qui montre le droit chemin au malade cheminant vers l'autre monde : mûr celui qui exagère le mal et le grossit par trahison, pour faire croître sa réputation comme aussi son butin.