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                LE RECTEUR DE VALLFOGONA                            283
pression, et se laisse entendre; l'art sera de trouver un système où
la pensée sera par elle voilée. Sénèque l'avait créé à Rome, ce
genre fatal; au dix-septième siècle, c'est Ledesma qui le retrouve,
et on le nomme le conceptisme. Ces deux vices composent le
cultisme, c'est-à-dire la langue des gens de goût, langue que flagel-
laient énergiquement les sincères amis du beau. Un jeune prédica-
teur, le Père Fray Diego Niseno, né à Alcazaren, en vieille Cas-
tille, attaque en face le cultisme en tête de son recueil de Sermons
de Carême :
   « Ce n'est point faute d'attention que j'ai dit que ce livre était
écrit en romance castillan; car à cette heure, une langue castil-
lane intruse court les rues, une langue que certains comuneros du'
langage appellent culta. Et ici il faut distinguer et différencier.
Aussi je dis que ce livre est dans la langue que je parle, et que je
suis fier de parler; je ne me vante point de connaître ce monstre à
tant de têtes que de mots impropres, confus et étrangers. C'est
grande gloire pour le disciple de se flatter de ce dont son maître se
flatta. De quoi se flatta le Christ, notre divin maître? De parler clai-
rement. Au milieu de ses tourments et de ses affronts, il répondit à
ses ennemis : Ego palam locutus sum mundo, et in oculto locutus
sum nihil. J'ai parlé au monde, et de manière que tous m'entendent.
Je m'exprime de même, et enlevant une lettre à la parole du Sou-
verain Maître, je dirai : J'écris clairement, je parle clairement, et
in culto locutus sum nihil. Je n'ai jamais parlé culto, je ne veux
pas suivre une telle secte, je ne m'accuserai jamais de ce péché. Si
je veux que tous me comprennent, comment irai-je manquer à mes
intentions eu parlant culto? Car culto et occulto, c'est tout un.
Ceux qui parlent cette langue, je pense qu'ils ne la comprennent
point comme certains mauvais écrivains qui n'arrivent pas à lire ce
qu'eux-mêmes ont écrit. Et qui la comprendrait? Ainsi l'Autre,
 pour dire qu'une nuit était très obscure, disait qu'elle était très
culta, et venant à demander des mouchoirs de différentes couleurs,
l'un clair et l'autre foncé, demanda du bleu castillan et du vert
culto, c'est-à-dire du bleu clair et du vert sombre. »
   A cette plaisante citation, que nous fournit une de nos lectures
passées, nous en pourrions ajouter d'autres, nous nous bornerons
à céder encore une fois la parole à un maître, M. Fernandez