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258                  LA REVUE LYONNAISE
à des hommages même que la littérature romanesque, dramatique
et le journalisme leur préparent en les travestissant quelquefois
en héroïnes presque dignes d'admiration ou au moins de bien-
veillance. C'est ainsi qu'avant de faire de ces femmes d'humbles
repenties on a soin de raconter et de signaler leur vie de péche-
resse, embellie par le raffinement de la volupté qui est au goût du
jour.
    La doctrine naturaliste peut à bon droit revendiquer ce sujet
d'œuvres littéraires de tout genre. Si les mœurs se ressentent de
ces hardiesses, n'ai-je pas le droit de poser encore une fois la
question : La victime du livre est-elle seule coupable d'un dé-
sordre moral si prononcé; l'écrivain est-il innocent?
   Mais ce sujet prend des proportions plus vastes et se place à un
point de vue plus élevé, quand on veut scruter toutes les doctrines
que la question de la responsabilité de l'écrivain a fait surgir.
C'est surtout afin d'expliquer la cause du crime, ce qui a servi de
point de départ à cette étude, que des polémistes et même des roman-
ciers, écartant de la discussion les responsabilités individuelles,
croient trouver une responsabilité générale.
    Il y a, en effet, une école démocratique, au nom de laquelle on
impute les crimes à la société, parce qu'elle ne s'est pas assez
 occupée de l'individu criminel.
    En dehors des élucubrations à l'appui de ce système de roman-
ciers vulgaires et de journalistes à la recherche de l'attention pu-
blique, un poète renommé, l'auteur des Misérables, en la personne
 de Jean Valjean, a proclamé le néant des lois et glorifié son héros
 forçat conduit au crime par l'injustice, l'imprévoyance, l'incurie
 de la société. C'est à cette occasion que l'auteur s'en prend à la
 magistrature. Il représente dans l'un des plateaux de la balance
 de la Justice le forçat, dans l'autre plateau il place le juge et il
 s'écrie avec ironie : de quel côté croit-on que penchera la balance?
 Cette image injurieuse, rappelée par un député connu pour sa manie
 furieuse à s'acharner contre le prêtre et contre le magistrat, a été
 jetée à la face delà magistrature en présence d'un ministre de la
 justice qui, entendant cet outrage comme un quolibet sans consé-
 quence, a osé garder le silence et laissé croire que la pudeur pa-
 triotique d'un Français ne saurait émouvoir un ministre.