Revue lyonnaise » n°6 ( 1883 ) » pp.257

                DE LA R E S P O N S A B I L I T E L I T T E R A I R E        257
derniers la raison scientifique convaincra moins leur esprit qu'elle
ne sera un auxiliaire pour la corruption de leur cœur. Est-il besoin
d'ajouter que, surtout, l'idée de crime perdra de son énormité,
quand la science aura fait disparaître la croyance en l'autre vie
et en l'auteur de toutes choses ?




                                        XI


    Le matérialisme continue certainement à se propager ainsi par
tous les genres de publications. Cette maladie mentale se traduit
ouvertement par le sensualisme brutal ou raffiné. Je ne parle pas
des jouissances que procure le luxe, et qui sont largement favo-
risées par la richesse facilement acquise, ainsi que déjà j ' y ai fait
allusion ; mais je veux parler de ce sensualisme que tant de pro-
ductions littéraires, et surtout certains journaux, contribuent à
favoriser, en donnant de la célébrité à cette classe de femmes
que le langage contemporain nomme le demi-monde, peuplé de
courtisanes sorties de boudoirs secrets ou de harems publics,
dont toutes les qualifications artificielles ne peuvent que dissimu-
ler le nom de lieux de prostitution.
   De même que le journal rend compte de livres nouveaux, des
discours en vogue, des modes nouvelles, des fournisseurs et des
magasins en renom, de même aussi certains journaux se font les
correspondants, les biographes, les louangeurs même de femmes
ravalées à la condition d'un communisme sensuel plus pratiqué que
la fréquentation du meilleurmonde honnête.
   Il fut un temps où, dans les dictionnaires et dans les encyclo-
pédies, la courtisane était définie : la femme de mauvaise mœurs,
qui exerce ce métier honteux avec une sorte d'agrément, et une for-
mule polie les qualifiait aussi de femmes galantes. Aujourd'hui ces
femmes de toute condition plus ignorée ou plus en évidence peuvent
toutes aspirer à la célébrité des Aspasie, des Phryné, des Laïs de
l'antiquité payenne. Ce succès de notoriété leur est assuré, grâce
aux honneurs delà publicité et à une sorte de réhabilitation scciuïe
       SJSI-TE -URE 1883.   — T. VI.                                    1"