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DERNIERE AVENTURE 245 famille anglaise et qu'elle la suivait à Londres pour donner ses soins à une fillette de cinq ou six ans. Je fus, ainsi que lui, enchanté de savoir la pauvre enfant à l'abri du besoin et des tentations. Six mois à peu près s'étaient écoulés depuis que Lulleval était à Saint-A..., et il mordaitde plus en plus à l'industrie,quand,un soir, comme il rentrait chez lui, il fut arrêté sur l'escalier par MUe Mar- jolet qui ne laissait échapper aucune occasion de faire un bout de causette. Il s'agissait de lui raconter que tout le rez-de-chaussée venait d'être loué par M"° Cécile Bernier, avec jouissance du jardin. Guy fécilita la propriétaire de cette bonne aubaine et voulut passer outre, mais M1Ie Majorlet ne l'entendait pas ainsi. Bon gré, mal gré, il lui fallut apprendre que Mlle Cécile Bernier, une ravissante jeune fille de vingt ans à peine, était arrivée le matin même avec sa femme de chambre, Célestine, une personne à l'air tout à fait comme il faut, qu'elle était descendue au Bras d'or et qu'elle s'était in- formée d'une maison respectable, désirant séjourner quelque temps à Saint- A..., que naturellement on l'avait envoyée chez M"e Marjo- let et qu'elle s'y était installée tout de suite. Lulleval profita d'un moment où la vieille fille reprenait haleine pour lui renouveler ses compliments et pénétrer dans son domicile. Il se souciait fort peu de M"0 Bernier et ne comptait nullement que ce qu'il pourrait rencon- trer à Saint-A... lui ferait oublier les Parisiennes. Le dimanche suivant, après son déjeuner, comme il était à la fenêtre à jouir du bon air et à fumer une pipe, il vit à travers les buissons du jardin un peignoir foncé d'une coupe simple et élé- gante qui allait et venait. Puis la personne qui en était revêtue s'engagea dans une allée découverte, et Guy, se reculant un peu par discrétion, bien que rien ne lui indiquât qu'il eût été aperçu, put contempler à son aise celle qui ne pouvait être que M"e Cécile Bernier. En dépit de ce nom évidemment français, elle lui fit un peu l'effet d'une Anglaise ave3 ses cheveux d'or pâle et son teint d'une blancheur laiteuse. Elle se distinguait toutefois avantageuse- ment des filles de la perfide Albion par la grâce ondulante de sa démarche, par sa taille fine et souple et sa gorge de statue grecque que l'on devinait ferme et pure sous le léger tissu. Elle lisait tout en se promenant, et Lulleval se surprit à pousser un soupir de r t - gret quand elle disparut dans son appartement, juste au-dessous